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—
: Alors bonjour à toutes et à tous. Nous nous sommes aujourd'hui
dans la dernière semaine de ce MOOC qui est consacrée à la
thématique "Bien vivre avec le numérique". Donc cette semaine nous a
permis de réfléchir aux moyens de régulation de nos usages
quotidiens. Donc que ce soit une régulation technique, législative
préventive, imposée, ou encore laissée à la libre appréciation de
chacun. Alors on a essayé aussi de se questionner sur la question de
l'éducation numérique, en cherchant le meilleur moyen de
favoriser les bonnes pratiques chez l'ensemble des usagers. Et
donc avant de passer au webinaire et de discuter avec nos
invités de ces questions, on va refaire une rapide synthèse de vos
contributions de la semaine. Alors comme toutes les semaines on a
commencé par le fameux nuage de mots qui avait pour cette semaine
comme thème "Quelles seraient selon vous les caractéristiques d'un bon
usage du numérique?" Alors on a vu un peu deux types de contribution
émerger. Alors beaucoup d'entre vous ont parlé de régulation, de
prudence, d'éducation, de protection, mais vous avez aussi mis en
avant le souhait d'un internet libre, indépendant, soulignant
l'importance de l'open source, par exemple. Donc un système qui pourrait
en quelque sorte s'autoréguler. Donc ensuite nous avons
commencé la première phase, on a cherché à à discuter autour de la
place que les outils pouvait tenir au niveau de cet objectif de
régulation en vue d'un mieux vivre avec le numérique. Comme par
exemple les outils de contrôle parental qui existent, ou les
outils aussi de mesures de son activité, dont on avait déjà parlé
au cours de ces six semaines. Donc face à ces
questions certains sont quand même restés très pessimistes et pensent
qu'il y a pas de solution à court terme, et qu'il y a pas possibilité
non plus de régulation institutionnelle. Alors d'autres
pensent malgré tout qu'une régulation est possible en utilisant par
exemple d'autres outils que Google, en utilisant d'autres moteurs de
recherche existants. Et puis euh d'autres suggèrent, comme Thomas par
exemple 3873, que la régulation doit passer par l'état et qu'un
libéralisme à outrance implique forcément des distorsions et des
inégalités. On pourra en rediscuter de nos invités. Certains
ont également expliqué et que les outils de régulation pouvaient être
particulièrement utiles pour les mineurs, en utilisant
notamment le contrôle parental. Et puis que de toute façon rien
ne pourra remplacer la nécessité de s'informer pour se protéger et
savoir s'autoréguler. Ce qu'approuve Igerialc,
donc un des contributeurs pour qui tout évolue tellement vite
en fait avec le numérique, que le meilleur moyen de bien vivre avec
ces outils, c'est vraiment de s'éduquer à être curieux, aux
outils dont on se sert en ayant toujours en tête quelques grands
principes que sont : je fais quoi de ma vie privée en utilisant cet outil?
Quelle est l'utilité réelle de cet outil? Et puis en ai-je
vraiment besoin et pourquoi? Donc voilà les les grandes questions sur
lesquelles on peut s'interroger. Alors ces propos sont quand même
néanmoins nuancés par d'autres contributeurs, comme Jphed pour qui
il existe dans certains domaines comme le trading, par exemple, des
outils de régulation qui fonctionnent, qu'ont été mis en place et qui
peuvent être très utiles. Donc pour mtarzaim, au contraire, tout
outil de régulation pouvant être détourné, ils ne peuvent pas être efficaces s'il
n'y a pas de coopération de l'intéressé. Donc en ce qui concerne
la deuxième phase qui concernait l'éducation et puis la troisième sur
l'évolution du numérique dans nos vies on a encore eu peu de contributions,
quand même un commentaire de Cardoso qui explique tout
l'intérêt du numérique dans l'accessibilité dans le cadre du
handicap, par exemple, en évoquant une application qui permet de
coopérer entre non voyants et voyants, par exemple, donc
effectivement des initiatives intéressantes. Et puis avant de
passer à la présentation de nos invités, je conclus avec une note un
peu plus humoristique concernant le défi de la semaine, donc qui
consiste à créer une campagne de prévention sur les risques liés à
l'utilisation du MOOC, donc Chrisjur a été particulièrement inspiré
avec le slogan suivant : "trop de MOOC tuent le look", s'instruire c'est
très bien mais attention à ne pas négliger son corps au profit seul
de son esprit. Voilà donc on conclut sur cette note d'humour
le bilan de cette semaine et puis on va passer à la présentation de
nos invités de la semaine.
: Bonjour donc pour suivre cette réflexion donc on
accueille cette semaine Vinciane Zabban et Benoît Virole. Donc
Vinciane Zabban est Docteur en en Sociologie, Maître de conférences
au sein du laboratoire expert il se à Paris.
C'est un centre de recherche en sciences de l'éducation qui
s'intéresse aux apprentissages, particulièrement dans les cadres non
formels. Elle enseigne à l'université Paris 13 et est également présidente de
l'Observatoire des mondes numériques en sciences humaines. Et donc ses
recherches sont autour de l'articulation, je pense sous contrôle, des
dimensions sociales et techniques dans la création de l'évolution des
mondes médiatisés par les TIC. Et Benoit Virole,
lui s'est d'abord intéressé au son, puis au langage, et ensuite il
a passé un doctorat de psychopathologie
en sciences humaines cliniques, suivi d'un doctorat de
sciences du langage. Donc il a travaillé dans ces trois domaines, et
aussi de multiples centres d'intérêts tels que l'Épistémologie et
la Littérature, et s'est beaucoup intéressé aux usages du
numérique notamment par le biais des jeux vidéo. Comme chaque semaine
donc on va leur poser un certain nombre de questions qu'on a préparé
pour une première partie de ce MOOC. Nous vous invitons
à partager vos remarques et vos questions soit sur Twitter avec le
hashtag numaddict soit sur l'outil Coconoteslive qui est
pointé depuis la page du MOOC. Donc les questions que vous
allez partager sur ces outils seront transmises aux
animateurs et on va les relayer dans une deuxième partie du MOOC
bers 13h05, 13h10, on pensera à ces questions que vous
nous avez posé. Donc on va commencer avec la première
question de cette semaine, à propos justement de la régulation
autour du numérique. Donc le développement du numérique a été
extrêmement rapide, ça c'est propagé à grande vitesse, il y a beaucoup
d'applications, et ça s'est fait sans qu'il y ait d'outil de régulation ou
d'espaces de régulation qui se mettent vraiment en place, parce que ça se
construit au fur et à mesure, qui serait susceptible éventuellement de
prévenir les risques, ça on en a parlé la semaine d'avant mais on
pourrait éventuellement discuter de ces risques liés à ces
usages. Et donc es-ce qu'il est trop tard pour mettre en
place ce genre de dispositifs de régulation, de cadre? Et qui
serait susceptible de le faire? De mettre ça en place? Et dans
quel cadre institutionnel ou social?
: En fait moi je commencerai par
rappeler que quand même il y a quand même des
formes de régulation qui existent par rapport aux usages du numérique qui
sont des cadres légaux assez généraux,
s'applique au numérique les lois normales sur la liberté d'expression
etc, Il y a un cadrage, une forme de régulation
aussi qui est lié aux infrastructures techniques
etc. Donc il existe quand même certaines formes de régulation.
Ceci dit il est vrai que comme toute innovation il y a
une ambivalence au niveau de ce que peut apporter ces
innovations, qui sont porteuses, toutes les innovations sont à la fois
porteuses des choses qui sont perçues comme bénéfique et
d'autres qui sont perçues comme néfastes. Donc en particulier
quand il s'agit de médias et de communication. Mais souvent
aussi en fait ce qui est perçu comme néfaste l'est parce que ça renverse
ou ça bouleverse un ordre établi. L'imprimerie par exemple
est quelque chose qui va renverser, bouleverser un certain ordre établi
Donc d'une certaine manière, quand on pose la question de
quel type de régulation doit s'appliquer, c'est une question qui
est morale et politique. C'est à dire quelle valeur doit
porter cette innovation? Et quel sens la société dans
laquelle on vit doit lui donner? Et surtout qui va définir ce sens là?
Donc il me semble que quand on est dans le cas d'innovations comme
celles du numérique on est en face de choses qui sont en train de se
négocier au niveau de, a ce niveau-là, donc que on a
un ensemble d'acteurs qui se positionnent avec des enjeux
différents, et la question qu'on peut se poser, enfin que moi je me
pose en tant que sociologue, c'est plutôt comment ça se passe?
Qui sont ces acteurs? Comment ils parlent? Pourquoi on va parler de
risques à un moment donné ou pas? Et pourquoi on va mettre en
avant plutôt des choses positives négatives? Donc au niveau
des risques qui ont été évoqué il y a des risques qui sont nombreux.
Juste pour un exemple d'ambivalence, quand on parle de
risque de divulgation des données il me semble que c'est quelque chose
qui a été beaucoup évoqué dans ce MOOC, on sait que
effectivement on donne beaucoup de traces, ces traces aujourd'hui peuvent
être récupérées, traitées et recoupées puisque la question c'est
surtout la possibilité de recouper les
informations personnelles. Ceci dit on sait très bien
quand on travaille avec des données en tant que scientifique que c'est pas
si simple, d'une part de récolter des données, d'autre part de les
traiter, et enfin d'en faire quelque chose. Donc on peut être tout à fait
effrayés par le fait de libérer tout un tas d'informations
et par le fait qu'elles soient récupérées, mais on ne sait pas
exactement quelles sont les conséquences exactes du fait
qu'une entreprise ou un état puisse avoir accès à autant
d'informations. Donc c'est des choses à prendre en compte. Par ailleurs ces
informations aident aussi, et je crois que ça a été vu, au
chercheur, à développer des connaissances plus approfondies,
notamment sur les usages du numérique. Et donc voilà c'est
quelque chose qui est assez assez ambivalent. Voilà ce que je
pourrais dire sur ce point.
: Alors est-ce qu'il est trop tard pour
intervenir sur la régulation? Non je crois pas, je crois qu'il est
toujours temps d'agir. La question c'est quel type de
régulation? Quand on parle de régulation on parle de règles, et les
règles il faut qu'elles soient positionnées par une instance qui ait
une capacité d'évaluation, de sanction,
d'élaboration même de ces règles. Alors quelle est cette instance?
Tout le problème est celui de l'espace actuel
des Etats, de la possibilité qu'ont les États de
pouvoir légiférer sur cette espèce d'espace complexe en
plein déploiement qu'est Internet et le Web. Donc
les états pour l'instant sont en réserve et sont en
seconde ligne devant les sociétés privées qui sont
elles les acteurs premier du web. Il est pas sûr que ça reste comme ça.
Il est plus que probable qu'il va y avoir un moment donné où les,
et c'est ce qu'on va peut-être voir très très prochainement, où les états vont
dire stop, nous allons devoir étendre notre
domaine, y compris sur sur le web et
réguler le web de façon étatique.
Une des façons peut être pour pour essayer
d'avancer de façon concise c'est se dire est-ce
que, est-ce qu'Internet est un espace de déresponsabilisation?
Est-ce que chaque acteur d'Internet utilisateur d'Internet
peut utiliser Internet sous un pseudo, et utiliser Internet
en cachant son identité, en étant pas un acteur social? Ou est
ce qu'il faut que quand on utilise Internet on soit identifié par une
identité qui soit une identité public? Et donc toute la
question, à mon avis un des grands thèmes qui va émerger
c'est celui de l'identité numérique. Est-ce que l'identité numérique
doit être une entité qui doit être validée sur le plan de l'état civil?
Il est possible qu'une des voies de responsabilisation et une des voies de
régulation passe par la création d'un service
public de l'identité numérique, où on aurait chaque citoyen de
l'état français, de la République française aurait son
nom, son prénom, sa date de naissance, son état civil et aussi une identité
numérique. Ce qui permettrait d'avoir un espace de responsabilisation,
de façon à quand on utilise Internet on utilise Internet avec
une identité qui est reconnue. Et donc
on peut pas faire n'importe on peut pas dire n'importe quoi, et
on est engagé sous la forme d'une responsabilité citoyenne quand on
utilise Internet. C'est peut être une des formes de régulation
potentielle.
: Et alors quid du coup d'une régulation qu'on pourrait envisager
comme une autorégulation? Est-ce que les utilisateurs, prenant en main
de mieux en mieux ce nouvel outil du numérique, est ce que
finalement on peut pas imaginer que les utilisateurs vont réussir à
s'autoréguler entre eux, et puis s'autoréguler eux mêmes est-ce que
c'est une des voies possibles ou est ce que c'est illusoire de le
penser?
: En fait je rebondirai un petit peu sur ce qui vient d'être
dit, c'est-à-dire que ce qu'on voit très bien dans les questions
qui se posent aujourd'hui c'est que l'espace du numérique
a changé. C'est-à-dire que les usages pour lesquels ont été conçus
la plupart applications et des outils du
numérique, étaient conçus pour des petites communautés de personnes
qui étaient relativement homogènes c'est-à-dire qu'elles
partageaient à peu près les mêmes valeurs, les mêmes normes.
On connaît un peu les débuts d'Internet qui entre
autres se développe dans des publics académiques,
et en fait cet espace il est régulé de fait
pas des valeurs qui sont pas automatiquement mais à peu près
communes, il y a quand même des rappels à la règle.
Pendant longtemps on a parlé de nétiquette
par exemple, c'est un terme qu'on utilise beaucoup, et en fait
ce qu'on voit bien là c'est qu'on a vraiment une massification des
usages, et du coup une hétérogénéité aussi des publics, et on se
retrouve confrontés en ligne à des usages qui sont très différents
parce que les gens qui utilisent aujourd'hui et Twitter,
Facebook sont très différents les uns des autres. Et effectivement du
coup on revient à des problématiques de définition de
de ce soit et d'identité qui relèvent de la société civile,
enfin du monde réel. L'apparition de l'identité en ligne, le fait
d'avoir un nom réel en ligne, pour reprendre l'expression qui a
été utilisé pas pris par Blizzard quand l'éditeur de World of Warcraft a
proposé aux joueurs de pouvoir apparaître en jeu avec leur nom
réel, c'est quelque chose qui a été introduit entre autre par Facebook
et qui était pas du tout une évidence auparavant. Puisque
auparavant l'identité en ligne c'était, j'ai tel
pseudo et personne n'a besoin de savoir qui je suis derrière, puisque
je participe à la même communauté, on en a une activité
commune et c'est pour ça que nous discutons. Ça n'intéresse
personne de savoir qui je suis par ailleurs dans la vie.
Donc là on voit bien que les usages et le public des applications
a changé à mon avis c'est une des choses qui
pose problème aujourd'hui. Donc la question c'est aussi
comment on gère cette diversité d'usagers et comment on fait pour
avoir une régulation commune? Au fond c'est vraiment une question
sociale.
: Une possibilité d'autorégulation
c'est vrai que c'est un voeu que l'on peut tous avoir, c'est peut
être un voeu pieux, parce qu'il est pas dit que l'esprit
humain soit un esprit qui, que l'être humain soit quelqu'un
qui soit capable d'une sagesse telle qu'il puisse se priver
des illusions et de l'aliénation que lui fournit le numérique.
Donc je pense qu'on peut faire preuve d'un
pessimisme lucide. Les êtres humains ne
sont pas des êtres qui s'autorégulent. Ils ont besoin
d'instances interdictrices soit externes soit internes pour
s'autoréguler. Et avec le numérique on est confronté à des situations
qui sont très aigues, c'est qu'il y a une aliénation
quasiment volontaire des utilisateurs d'Internet aux
illusions que fournissent internet, qui sont des illusions qui sont
multiplies. Il y a l'illusion de la présence, quand dans le
numérique on est constamment connecté avec un autre on a
l'illusion de vaincre la solitude, on
évite la solitude, l'épreuve structurante de la solitude.
Donc on est dans une espèce d'illusion de la coprésence
qui fait que vous pouvez avoir des gens qui s'échangent des SMS
dans lesquels il n'y a aucun contenu, simplement le fait t'es connecté, je suis connecté,
je suis avec to,i et on oublie, on
évite la solitude. Il y a une illusion de la puissance.
De penser que quand on utilise une interface numérique on a
la puissance du processeur derrière soi et qu'on peut créer
des choses de façon extrêmement rapide. En oubliant que le
processeur, la capacité traitement de l'information elle
est l'exécution d'une mentalisation précédente. C'est-à-dire
qu'il faut d'abord penser avant d'exécuter. Et il y a aujourd'hui
des utilisateurs du numérique qui ne pensent plus. Il y a un conflit
entre la rapidité de l'exécution sur le numérique et les
constantes de temps de la pensée, de la mentalisation. Donc dans
ce qui est nommé utilisation addictive du numérique il y a cet
effet aussi de non mentalisation, de non-pensée, donc pour
pouvoir s'autoréguler il faut d'abord pouvoir reprendre confiance
dans ses capacités à penser en dehors du numérique pour utiliser le
numérique comme étant le vecteur de sa pensée et non pas être soumis
au numérique, soumis à la capacité
de puissance du numérique. vous avez une troisième illusion
qui est pratiquement une servitude volontaire c'est
celle de la réification, qu'on voit sur les réseaux sociaux, c'est-à-dire
qu'on se réifie, on se présente soi même comme étant un
objet pour pouvoir être vu, perçu apprécié par les autres
dans un réseau social. Donc il y a une forme de
réification qui est le stade ultime du capitalisme selon la
pensée marxiste, qui est que c'est le soi-même qui devient un
objet marchand. Quand on est sur Facebook
qu'on accepte le fait qu'il y ait des vignettes publicitaires, qu'on
accepte d'être finalement support de publicité, on se réifie, il y a une forme
de servitude volontaire qui est une aliénation au sens hégelien, c'est-à-dire
une fausse conscience, qui est extrêmement problématique pour
pouvoir s'autoréguler sur le numérique il faut prendre conscience.
Il faut retrouver une vraie conscience, c'est-à-dire avoir une
analyse critique de ce qu'est le numérique. Donc il y a un
effort certainement de pédagogie à faire, mais surtout un
effort d'introspection, de réflexion critique
sur le numérique.
: Oui justement c'est une question qu'on voulait poser au sujet des, est-ce
que les outils numériques peuvent nous aider à avoir cette
capacité d'introspection et de réflexion sur notre propre action? Donc il y a des, par
exemple dans le domaine de certains jeux de hasard et d'argent, il y a
des dispositifs qui existent soit pour auto limiter les personnes ou au
moins pour leur indiquer ce qui s'est passé. On a vu dans ce MOOC
également d'autres outils qui permettait de mesurer son
usage et pour en avoir une idée. Donc est-ce qu'on pourrait envisager,
au delà de ces jeux de hasard et d'argent où ça existe déjà, des
dispositifs des techniques qui s'intègrent dans les
logiciels, dans les applications, qui permettraient aux personnes de
s'autoréguler? Donc dans un premier temps de savoir qu'ils ont besoin
de s'autoréguler par cette vision réflexive de leur activité. Dans
un deuxième temps de mettre en oeuvre cette régulation, par le
contrôle parental ou des choses plus auto régulatrices.
: Effectivement enfin en soi un dispositif, une application, de
toute façon contraint et régule les comportements,
peut changer un certain nombre de
choses y compris dans les interactions que je peux avoir avec
avec des gens. Quand dans Facebook
par exemple je veux limiter l'accès à mes publications sur Facebook et
que je dois établir des listes, et que je suis obligé de décider si cette
personne est un ami ou un collègue, elle m'oblige à faire un choix
et des classifications que peut être je n'aurais jamais fait
autrement. Je me suis jamais posé la question autrement.
Et par ailleurs elle m'autorise à faire certaines choses et elle me
contraint à en faire d'autres. Donc sans passer par des
dispositifs de régulation qui sont des contrôles de temps, de durée
ou des statistiques d'usage qui permettraient d'avoir
un retour sur son activité, on a déjà une manière
d'orienter le comportement par le dispositif technique. Après
tout dispositif de régulation, comme ça a été dit je crois en
ligne, peut être contourné. C'est pas parce que j'ai
j'ai un temps limité de jeu sur mon compte que je ne peux pas créer
un deuxième compte ou emprunter le d'un ami pour jouer. De la même
manière quelqu'un qui est accro aux jeux de grattage peut faire
différents tabac dans la matinée pour qu'on repère pas que en
fait il y a une pratique qui peut être jugée
calme excessive. Donc à ce niveau la, effectivement c'est
possible, mais est ce que c'est efficace je ne sais pas.
: Si oncréé des instances, des censeurs numériques, c'est-à-dire des
dispositifs artificiels numérisés qui limitent
l'utilisation, on aurait effectivement des détournements, ou une illégalité.
C'est-à-dire la création d'autres systèmes qui sont non
soumis à ça. Non je crois que la vraie, la vraie grande question c'est
la question de l'éducation. C'est à dire c'est la la possibilité
dans le travail parental, auprès d'un
enfant, le fait qu'on éduque un enfant, d'avoir une éducation à
la responsabilité, responsabilisation d'utilisation du numérique.
Et comme on peut mettre en garde des enfants ou des jeunes
sur les dangers du cannabis ou de prendre des drogues,
il y a une mission parentale, qui est aussi une mission
institutionnelle pour l'école, de pouvoir faire
comprendre et faire passer aux enfants une éducation
au niveau de la responsabilisation de l'utilisation du numérique. Ce qui passe
aussi par le fait d'avoir une non diabolisation
du numérique, c'est-à-dire que aujourd'hui le problème
central c'est que beaucoup de parents ou pour beaucoup
d'acteurs éducatifs, soit le diabolisent, soit l'idéalisent
mais ne rentrent pas dans le processus
même qui est de rendre intelligibles ce que c'est
que le numérique et de responsabiliser les enfants. Donc ils sont dans
une espèce d'évitement de cette question la. C'est le vrai
chantier mais à mon avis il est là, il est dans l'éducation.
: Alors est-ce que c'est
l'éducation spécifiquement vers les enfants ou vers tout le public pour
qui, enfin tout un chacun, même des adultes sont confrontés à
des nouveaux outils, des nouvelles pratiques, de nouvelles habitudes à avoir,
donc c'est pas forcément une éducation uniquement à destination des
enfants, même si c'est un public vulnérable qui apprend. Mais chacun
maintenant apprend avec numérique.
: Oui et puis on a aussi une
nécessité de penser. On pense pas encore bien le numérique.
On est à la traîne. Le numérique avance comme un espèce
front d'onde, et la pensée critique elle est derrière.
Donc elle est largement derrière. Donc on a pas les
moyens conceptuels, les moyens, la pensée critique pour comprendre
ce qui se passe. Donc on a tous, chercheurs, universitaires,
intellectuels, la nécessité de construire cette
pensée critique sur le numérique. Et je crois qu'on l'a pas
parce qu'il y a eu un effet séduction. Soit un effet de séduction, soit
un effet de peur, soit un effet d'évitement, pour aussi d'autres intellectuels qui
veulent pas du tout se pencher sur ces questions là. Et on arrive pas à le penser.
C'est quand on arrivera vraiment à penser numérique dans l'ensemble
de ses dimensions qu'on arrivera à pouvoir éduquer les enfants à mon
avis, et les parents aussi.
: Je voudrais juste ajouter sur la
régulation effectivement, peut-être, enfin sans
doute ça passe par une éducation, mais il me semble que, en tout cas
les formes que j'ai pu observer et notamment les jeux en ligne,
la régulation passe aussi énormément par les collectifs en
fait. C'est-à-dire que c'est vraiment l'appartenance à un
ensemble, et l'interaction avec des membres d'une guilde, par
exemple dans les jeux en ligne, qui va instaurer le plus de
régulation. Au final quand on est dans une guilde il arrive souvent
que certains membres disent à un joueur, bon bah là tu passes ton bac cette
année quand même faudrait peut être que tu ailles plutôt réviser. Nous on
te prend pas dans notre groupe cet après midi
parce qu'il faut que tu travailles. Donc je
pense que c'est aussi un élément qui est important. Ça passe pas
seulement par une éducation qui serait, enfin cette
éducation peut être horizontale en fait. C'est apprendre des normes
de vie commune aussi, d'une certaine.
: Non mais c'est la question
de est-ce qu'on va vers une société collective, c'est-à-dire est-ce qu'on
va faire une sorte d'intelligence collective? Est-ce qu'on délègue à
des systèmes externalisés, automatisés, ou à
des communautés de joueurs virtuels les notions
de responsabilité, d'autorégulation? La vraie grande
question c'est est-ce que Internet on est en train de
migrer d'une société dans laquelle on a, l'individu existe, c'est-à-dire avec son
espace de responsabilité vers une sorte de macro société,
de Léviathan dans lequel tous les utilisateurs
participent d'une sorte d'instance collective qui serait auto
réalisatrice? C'est ça, une modification du corps social en profondeur.
: Alors justement il existe des organismes comme la CNIL ou des
associations comme la quadrature du Net qui mènent des actions
importantes dans ce domaine. Alors elles sont pas toujours connues,
est-ce qu'elles ont un sens ces actions là?
Est-ce qu'elles peuvent être efficaces? Alors que dans le cadre de la
réglementation, mais on peut aussi imaginer peut être dans
l'éducation? Est-ce que ça doit passer justement par des
organismes d'état, publics, du milieu associatif? Qu'est ce que vous en
pensez?
: Moi je pense qu'il faut que le la République étende
son domaine sur le numérique.
Il faut que l'Etat, pour parler de la situation française, il faut
que, il est pas acceptable que quand on est dans
la rue on est soumis aux lois de la république, et quand on est sur son
PC on y est plus. C'est pas possible.
C'est pas tenable. Donc il faut que la République étende son domaine de
législation, son domaine de responsabilité citoyenne y compris
dans les espaces numériques. A mon avis donc effectivement ça passe, alors
il y a plein de, que ce soit à l'Assemblée ou au sénat
je crois qu'il y a plein de réunions pour
discuter là dessus. Et comme il y a pas de possibilité
pratique d'agir sur internet, vu la
délocalisation des serveurs etc. On est dans une
difficulté importante. Mais à mon avis ça passe par l'état. Il faut que la
République s'étende sur ces territoires qui sont
ceux du numérique.
: Je pense qu'on a deux organisations
différentes avec, enfin la CNIL et la quadrature, ou dans un cas
effectivement on a une organisation qui,
est une forme de régulation plutôt
étatique, et dans le cas on a une une association, qui la
encore est composée et intéresse essentiellement des gens qui,
bon qui proviennent un peu du mouvement du logiciel libre, et
qui sont un peu à l'avant-garde de ces usages. Donc effectivement c'est
des choses qui sont importantes, et qui mènent
des batailles en étant un peu des vigiles
de la sauvegarde de la liberté
d'expression. Je me souviens de la bataille contre les
brevets logiciels etc. Et donc c'est des choses qui sont effectivement
importantes. Après est-ce que les gens les connaissent? Pas forcément.
Est-ce qu'ils ont, ils sont surtout connus, et leurs actions sont
surtout connues par des gens qui sont intéressés et impliqués dans
ces dispositifs. Après ça veut pas dire que les
utilisateurs lambda, même si ça veut pas dire grand chose,
n'ont pas eux mêmes des formes de perception de ce qu'il
faut et de ce qu'il faut pas faire, de ce que c'est que la protection de leur
vie privée etc. La je pense qu'il faut aussi faire attention dans
ce type de débat a pas tomber dans les vieux discours de la théorie
des effets, où on prend pas en compte le fait que les utilisateurs, que
dans le cas de la réception, on est faut toujours critique par
rapport aux objets qu'on utilise. Quand on regarde la
télévision on a une posture critique. Quand on utilise
internet et quand on lit les informations sur Internet on a une
posture critique. Donc voilà. Je pense que ça passe pas uniquement
par des associations ou par des organismes comme la CNIL mais
qu'il faut faire, enfin il faut prendre en compte, finalement, une
vigilance des usagers qui existe. Et quand on prend la peine de
les interroger sur le sujet qui est présente
dans leur usage quotidien.
: Pour avoir une posture critique dans l'utilisation d'internet il faut
avoir les moyens conceptuels d'avoir cette posture critique. Alors si on
les a pas, vous avez aujourd'hui des utilisateurs
d'Internet qui prennent les informations qui sont sur le web de
façon littérale. Complètement littérale. Et qui n'ont pas la
possibilité d'être dans une position, de prendre du
recul et de mettre en critique sur ce qui s'est,
sur ce qu'ils sont en train de faire. Donc je fais pas très confiance à
la situation actuelle d'Internet et du numérique pour
générer une pensée critique. Je pense qu'il faut qu'il y ait
une pensée critique qui puisse se sortir du Web, qui ait considéré le
web comme étant un objet, et puis d'avoir
pensée qui s'élabore sur lui. Et donc c'est, je dis pas
qu'il faut qu'on en revienne au papier crayon mais je pense qu'il faut
qu'on en revienne a la capacité de mentalisation. Je pense qu'il faut faire confiance
dans notre capacité de penser sans le Web pour pouvoir penser.
On arrive là du coup, enfin c'est aussi en lien avec la nécessité que les
les chercheurs produisent des réflexions critiques pour qu'on
puisse étudier ça, on arrive à une problématique liée la temporalité,
c'est que on a un support très très mouvant, l'objet de
ces études est extrêmement mouvant, certains parlent d'une
fluidification extrême de l'information. Donc comment faire à la
fois pour que les chercheurs aient le temps d'étudier vraiment le
sujet, et que chaque utilisateur ait le temps de s'approprier
vraiment l'outil jusqu'à en tirer des capacités de régulations sur
quelque chose aussi fluide, aussi insaisissable, que quelque
chose qui évolue tous les 15 jours. Donc on en
revient à la question aussi sur qui est-ce qui serait en capacité
de mettre en place soit des cadres de réflexion, soit des cadres
de régulation. Est-ce que le législateur avec son habitude
de débat, l'Assemblée nationale qui prend des, enfin
il y a trois députés technophiles dans l'assemblée nationale,
qui souvent se lamentent un peu de la capacité de leurs
collègues à légiférer sur des choses qu'ils ne maîtrisent pas du tout.
Là cette semaine il y a le débat sur la
taxation de la bande passante, qui est une solution d'un autre âge
peut être, enfin on essaye de trouver des solutions, on n'arrive
pas à raccorder en fait le cadre législatif et la situation
technologique qui permettrait de mettre en place des
régulations. Ça vous inspire quelque chose ou ? C'était plutôt
une reflexion mais... Donc du coup bon... On va passer
à une dernière question... Ouais... On va bientôt
passer aux questions de l'assistance. Donc que
l'assistance qui est ici puisse transmettre ses questions via
les relais qui sont dans la salle. Ou alors diffusez, enfin partagez vos
questions sur Twitter, sur Coconoteslive pour qu'elles puissent
remonter et qu'on puisse les poser ensuite. Juste pour revenir un
instant sur l'éducation au numérique, est-ce qu'on pourrait souligner
des formes particulièrement pertinentes
d'expériences d'éducation numérique, par
exemple la semaine dernière on avait un invité, Laurent Auneau,
non il y a deux semaines, c'était sur, autour de la fabrique l'addiction.
Donc Laurent Auneau qui travaille, qui est concepteur de jeux video, il
parlait notamment des jeux sérieux, des "serious games" qui peuvent
participer, être des médium intéressants dans le cadre de la,
de l'éducation au numériques. Donc est ce que vous voyez des choses
particulièrement intéressantes dans le domaine de l'éducation au numérique.
En fait,
moi il me semble, mais c'est effectivement le cas des jeux sérieux
quand on discute avec des concepteurs de jeux sérieux, ils
ont tendance à expliquer que c'est quelque chose qui marche en
particulier quand on c'est vraiment des choses qui sont conçus de
manière ad hoc, dans des situations et des contextes particuliers. C'est-à-dire
que quand on conçoit un jeu sérieux pour une entreprise en
particulier, qu'on va sur place, qu'on interroge les gens, qu'on
voit ce qui les intéresse, ce dont ils ont besoin et qu'on le met
en place ça marche. Et ça amène en fait à dire qu'effectivement s'il y a
une éducation au numérique qui doit se faire, et effectivement très
largement je pense que c'est quelque chose qui est, qui est important,
pour au moins elle marche particulièrement bien
quand on rejoint ce qu'on appelle des communautés de pratiques.
C'est-à-dire que on va, je sais pas, faire du tricot et
puis on va rejoindre un forum de tricoteur sur internet, et
puis on va apprendre à utiliser une base de données parce que on va
rechercher des modèles, et puis on va apprendre à faire attention à ce
qu'on diffuse, à ce qu'on diffuse pas, tout ça dans un
cadre, finalement, aussi collectif. Donc voilà c'est
quelque chose qui me semble, le cadre des communautés d'apprentissage,
des communautés pratiques, c'est une façon d'éduquer au numérique qui
me semble intéressante.
: Je pense que c'est
l'apprentissage de la programmation. c'est-à-dire que quand on apprend
à des enfants ou à des jeunes à programmer, le plus tôt possible, on
les rend acteurs et moteurs d'objets numériques. Et donc du coup
ils ont un rapport avec le numérique qui complètement changé. J'ai expérience
de patients qui ont des comportements quasi toxicomaniaques
avec des jeux vidéo en ligne à monde
persistant. Une des meilleures façons de les aider, la psychanalyse tout ça
a pas beaucoup d'effets sur ce type de patient faut pas, le
comportementalisme non plus. Mais il y a quelque chose qui a un bon effet c'est
d'être avec le patient dans une situation d'empathie, de
compréhension, et de faire soi-même un jeu. C'est de rentrer dans le
système de programmation pour pouvoir créer avec le patient des
objets, des objets numériques et des objets... Et à partir du moment où
on est créateur d'un, d'objets
numériques et ben il se passe quelque chose sur le plan psychique qui est
que cet objet là il devient à distance de soi, et il devient un objet
externalisé, et on permet ainsi à ces patients de se sortir de
leur addiction. Donc je crois que c'est, alors ça c'est dans la
pathologie mais la pathologie souvent elle grossit les traits qui
existent à l'état normal. Je pense qu'apprendre très tôt aux
enfants, le plus tôt possible la programmation, et différents systèmes,
différents langages de programmation pour pouvoir comparer ces
langages, est une formation qui maintenant est absolument impérative,
c'est comme ça qu'on va faire des acteurs responsables du numérique.
: Et quelle serait dans ce dispositif la place par exemple de l'éducation
nationale dans ce qu'on pourrait appeler une sorte d'éducation
civique, peut-être, en ce moment on parle beaucoup de la question du
harcèlement et la place que peuvent prendre les outils
numériques dans ce harcèlement, actuellement dans une population adolescente,
qu'est-ce qu'on on peut en penser?
Est-ce qu'on peut attendre quelque chose de l'éducation nationale et
de l'éducation civique à l'approche du numérique? Qu'est-ce
que... Je vous vois sourire...
: C'est une question
extrêmement complexe. Enfin moi j'aurais pas de
prescription à faire sur ce sujet là. Ouais
il faut faire une enquête. Faut aller voir
comment ça se passe et pourquoi. J'ai pas de
connaissances de, par exemple, d'études qui
porteraient sur, enfin d'études développées qui porteraient sur
les usages en essai en collège du numérique dans ces contextes là.
Donc probablement il y a des gens qui travaillent dessus actuellement, il faudrait
les interroger là dessus.
: En fait c'est à la fois assez
ambivalent parce que il y a d'un côté un un efort
enfin une volonté, où au moins un affichage de volonté de la part
de l'Etat, de promouvoir l'éducation numérique. Mais qui se passe par
juste la diffusion de tablettes, et on va faire utiliser les tablettes par les
étudiants. Et d'un autre côté il y a aussi un autre discours qui se
développe, qui dit le numérique va nous sauver, enfin il faut que tout
le monde fasse du numérique, c'est le nouvel eldorado, et tous
les élèves vont apprendre à en faire...
Donc il y a ces deux visions caricaturales qui rejoignent un peu ce dont on a parlé, enfin
ce dont vous venez juste d'aborder. C'est important d'avoir une culture
numérique, quelle forme doit-elle prendre? Si ça passe par
l'entonnoir de l'éducation nationale qu'est-ce que ça peut donner.
: Le problème c'est que l'éducation nationale par rapport au numérique est dans une
position de porte-à-faux. C'est-à-dire que le numérique dissout la question du
rapport au savoir. Puisque qu'est-ce que l'utilisation
d'Internet, c'est utiliser un savoir qui est délocalisé, qui
est sur le sur le web, et de faire apprendre aux enfants, non pas à
acquérir des connaissances, mais à savoir utiliser des connaissances, donc
c'est un changement complètement plus le posture, du rôle de
l'enseignant dans l'éducation nationale. Et l'éducation nationale
elle a pas franchi le pas. Donc elle triche un peu,
effectivement en mettant des tablettes, en mettant des PC
au fond des classes, mais elle a pas franchi le pas du
changement structurel qui est que le rapport au savoir a
structurellement changé avec le web. Elle est frileuse
l'éducation nationale sur ce plan là. Il y a plein de choses dans
l'éducation nationale qui sont formidables, mais sur le plan du
numérique elle est frileuse parce que ça aboutit à une modification
globale des statuts des enseignants, de la façon dont on
enseigne, de la notion de classe, du dispositif de classe,
le tableau noir, la chaise etc. Il y a des expériences pilotes, mais il y a
pas encore le changement de culture qui s'est opéré.
Effectivement.
: Oui je pense en tout cas que ce serait intéressant de
s'intéresser d'abord aux usages qu'ont actuellement les
lycéens, collégiens du numériques, plutôt que en tout cas
aider avec des nouveaux dispositifs en essayant de les
éduquer à des choses qu'ils utilisent pas en fait et que probablement
ils n’utiliseront pas. Enfin on voit l'exemple déjà à l'université
quand on met un espace numérique de travail pour les
étudiants, en fait ils créent une page Facebook et c'est plutôt là
dessus qu'ils échangent, entre autre parce qu'ils sont pas sous le regard des
enseignants et donc. Donc voilà à mon avis il y a des
choses à aller regarder là dessus mais en étant attentif aux
usages réels en fait comme toujours dans la question des
usages numériques.
: On vient justement, c'est en lien avec
différentes questions qui ont été postés sur Twitter, et coconotes et
tout ça par l'assistance. Par rapport à la
sensibilisation sur l'éducation dans les écoles justement, est-ce qu'il
existe, au delà de l'apprentissage des outils, est-ce
qu'il existe des interventions auprès des élèves, du primaire ou du
secondaire, sur le numérique donc, mais dans le cadre qui donne justement
une prise de recul sur les problématiques des données privées,
sur les droits et devoirs, sur la mise en perspective de
l'informatique, qui relèverait quasiment de l'éducation civique,
mais quand même plus ciblée sur le numérique. Est ce que vous avez
connaissance de tels...
: Alors il se trouve que
l'observatoire des mondes numériques en sciences humaines est fréquemment
sollicité par des écoles pour des interventions sur ce domaine là,
donc on a dans notre association des membres qui,
notamment des psychologues, parce que ce sont des
psychologues essentiellement qui ont fondés cette association, qui
vont intervenir sur ces problématiques là. Après
c'est plutôt des initiatives, enfin c'est des initiatives locales
et ça fait pas partie d'un plan général. Mais c'est des
interventions qui sont demandées par certains établissements. Ou maison
des jeunes, ou sur des initiatives particulières. Donc
l'observatoire, en plus, enfin l'observatoire des mondes numériques,
pour en parler un peu, c'est à la fois un organisme de recherche qui fait
des études et qui fait également des interventions de sensibilisations...
: Qui peut intervenir effectivement puisque c'est une association qui a une quinzaine
d'années maintenant, et qui s'est vraiment créée avec un besoin qui
apparaissait, enfin créé par des jeunes chercheurs, à la fois
de pouvoir discuter entre eux, parce qu'à l'époque parler du numérique,
c'était en 2000, c'était un peu compliqué on trouvait pas
forcément de public, et en même temps à un besoin de répondre à une
demande civile en fait, à une demande d'informations sur, notamment les
jeux vidéo, l'addiction aux jeux video, la violence dans les jeux
vidéo, qui était très importante à ce moment là. Donc l'association
a été créé avec pour but de constituer une interface entre la
recherche, la société civile et et les médias.
: Une question aussi sur, visiblement il faudrait éduquer les
parents pour que ceux-ci puissent éduquer ensuite les enfants.
Alors comment faire pour atteindre justement les parents et pouvoir
leur donner les compétences pour qu'ils se sentent capables,
on a aussi cette difficultés là, face à une génération de parents
qu'ont pas grandi avec les outils numériques et qui se sentent très en
difficulté pour transmettre à leurs enfants une vision juste
de ce que pourrait être l'utilisation de jeux vidéo en ligne par exemple,
ou d'autres outils, et qui se sentent voilà très démunis face à ça, et
qui ont l'impression que leurs compétences parentales peuvent être
remises en cause par ces nouveaux outils qu'ils ne maîtrisent pas. Et c'est vrai
qu'au niveau de la relation parent-enfant on voit aussi qu'il y a
beaucoup de choses qui peuvent se jouer aussi à ce niveau là.
Comment faire pour donner ce, redonner en tout cas cette
place là aux parents d'éducateurs auprès de leurs enfants pour ces
outils du numérique.
: Il faut que, la parentalisation doit
pas s'arrêter au seuil du numérique. C'est-à-dire que quand on est parent,
on est parent y compris dans les espaces numériques. Donc quand on
a des parents qui par exemple sont en difficulté avec leur enfant par
rapport aux usages que fait leur enfant du numérique, moi
c'est le discours que je leur tiens en tant que psychologue. Je leur dis, votre parentalisation
elle doit s'étendre dans le numérique. vous devez investir
votre fonction de parents, y compris dans les mondes numériques.
En portant des valeurs, par exemple ça veut dire que quand un
jeune joue à un jeu qui est une saloperie, je veux dire sur le plan
éthique, il faut que les parents puissent le dire, sinon c'est pas possible.
Sinon on ne peut plus être parent. Mais en même temps vous avez le devoir de
comprendre. Donc vous avez la mission de porter des valeurs,
vous avez le devoir de comprendre. Et le devoir de comprendre ça
consiste par exemple à comprendre comment est fait un jeu vidéo, et
qu'on ne peut pas interrompre un jeu brutalement quand on est au
milieu d'une séquence entre deux sauvegardes.
Parce que là vous créez une souffrance d'interruption qui est un fait
psychique réel. C'est-à-dire que si on interrompt un jeu vidéo alors que l'enfant est
pris dans le mouvement d'action qui doit aller se clôturer
jusqu'à la fin de la séquence et qu'on interrompt brutalement, on crée
un phénomène psychique qui est une irritation forte,
qui peut aller jusqu'à une crise de colère, et qui est compréhensible.
Parce que quand on est engagé dans un mouvement il faut qu'on aille jusqu'au
bout de ce mouvement. Sinon on n'est pas bien. Donc expliquer aux parents
que réguler l'utilisation des jeux vidéo, ça nécessite de
comprendre aussi comme est fait ce jeu et de tenir un discours
qui est, tu vas jusqu'à ta sauvegarde, savoir ce que c'est qu'une sauvegarde,
savoir où sont les sauvegardes dans le jeu, et tu arrêtes
et tu viens pour le repas du soir. Et pas interrompre brutalement.
Donc il y a une nécessité pour les parents de comprendre. Donc il faut les éduquer,
les aider à comprendre comment sont faits les outils numériques. Et puis
en même temps il faut leur laisser un espace d'exercice
de leur fonction parentale en disant vous avez le droit et le devoir de
porter des valeurs. Si un jeu où une application numérique vous
semble contraire à vos valeurs parentales, il faut pouvoir le dire
et imposer à l'enfant de ne pas le faire. Alors quand on
tient ce double discours, à la fois celui des valeurs et celui
de la nécessité de comprendre, les parents peuvent
avancer dans le numérique et continuer à être
parents y compris dans le numérique avec leurs enfants.
: Justement dans votre expérience de travailler avec des enfants dans le domaine du jeu vidéo,
est-ce que vous avez d'autres angles d'attaque
que l'impact de parents?
: il y a la question Minecraft, aujourd'hui vous
avez un phénomène chez beaucoup d'enfants entre eux 7 ans et 11
ans, qui est une utilisation massive de ce jeu qu'est Minecraft,
qui est un excellent jeu, qui est un jeu tout à fait remarquable, et qui
est un jeu qui est remarquable parce que c'est un jeu qui développe
des apprentissages et des aspects cognitifs. Et donc il est plus que
certain que beaucoup d'enfants qui vivent à l'école des situations de
frustration, y compris de frustration d'apprentissage, donc pour qui
leur intelligence n'arrive pas à se développer dans
le cadre de scolaire, parce qu'elle est entravée par des messages
pédagogiques ou des règles scolaires qui sont pas adéquates à ce qu'ils
sont. Ces enfants là, quand ils reviennent chez eux, ils ont besoin d'exercer
leur capacité de penser et d'apprentissage et ils le font dans
Minecraft. Donc de pouvoir expliquer aux parents que Minecraft,
finalement ça soigne un peu ce que l'école abîme, je leur dis pas
ça comme ça, mais c'est un peu, eh ben ça aide les parents à comprendre, à
accepter aussi le comportement de l'enfant,
et ça peut permettre de créer des alliances entre les parents et les
enfants, et une reprise d'une relation de confiance réciproque.
Donc là effectivement, avec le numérique, il y a une mise en critique aussi
de certaines fonctions scolaires, de la façon dont l'école est et
puis de la disjonction qui est croissante entre les capacités
cognitives des enfants d'aujourd'hui, qui ont un mode de traitement
d'information qui est extrêmement rapide, avec ce qu'offre
l'école. Vous avez des enfants qui sont en souffrance scolaire, non pas
parce que ce sont des enfants bêtes, ou qui ont des problèmes de conduite
scolaire, mais c'est des enfants qui ne sont pas nourris
suffisamment par l'école. Parce qu'ils ont aujourd'hui, les enfants
d'aujourd'hui ont des demandes cognitives qui sont différentes de celles d'hier.
: Ça c'est documenté cet impact psychique sur le
fonctionnement?
: Il y a de plus en plus des
psychologues, des chercheurs en sciences cognitives, des
psychanalystes qui travaillent sur ces aspects là. Il y a un
consensus sur le fait que les jeux vidéo,
un certain type de jeux vidéo, sont utilisés par les enfants, non pas
pour le fun, non pas uniquement pour le plaisir de tirer sur des
des cibles, ou de, mais pour l'exercice de la pensée. L'exercice
d'une pensée qui est qualitativement différente de celle
qui pouvait exister avec des enfants qui ont été
nourris par la lecture et l'écriture.
: Eh ben du coup, d'un point
de vue sociologique, est-ce qu'on voit un peu aussi une sorte
transformation dans le travail des groupes, dans l'organisation
des groupes? Vous avez parlé tout à l'heure des guildes dans les
jeux vidéo, mais il peut également y avoir d'autres pratiques sociales
qui se développent, enfin il y a d'autres pratiques sociales qui se
développent, donc quel impact elles ont sur les fonctionnements
des, est-ce qu'elles transforment les fonctionnements des groupes? Selon des
modalités qui n'existaient pas auparavant?
: Là j'ai pas vraiment de
recul, de réponse à ces questions là.
Ce qui est sûr c'est que, par rapport à ce qui vient d'être
dit, et par rapport à la question de ce qu'on appelle aussi les
apprentissages informels, le jeu est extrêmement important, puisque
jouer c'est créer en fait. Jouer
c'est créer un monde. Donc ça développe un certain nombre de
compétences qui sont assez importantes. C'est des
activités de construction souvent qu'elles soient concretes
ou imaginaires. Après sur la
question des groupes, ce qui est sûr c'est que c'est le
numérique est là comme soutien en tout cas, je sais pas si c'est
la cause ou si c'est juste un support à de
nouvelles formes d'être ensemble pour des individus dans
les sociétés contemporaines. De nouvelles façons de faire
société en fait. Et notamment qui passe par le
fait de partager une passion commune, de partager une activité
commune, ce qui est assez important puisque on n'a
pas forcément ça par ailleurs. C'est vrai qu'en tant que sociologue
j'utilise pas forcément par exemple le terme d'addiction,
mais j'ai vu des joueurs qui étaient extrêmement engagés
dans des activités en jeux, et au fond ce qui les engageait dans ces activités
en jeu, d'après leur discours, c'était le fait d'être utile, d'avoir
une valeur, mais qui était une valeur sociale en fait, dans des
collectifs. Ce qui n'est pas forcément le cas ailleurs. Donc
effectivement, le numérique présente des risques,
peut-être, mais il présente aussi un certain nombre d'opportunités, euh
par rapport une société qui évolue et qui est tout le
temps en train de chercher de bonnes raisons de vivre ensemble
en fait. Donc il apporte aussi un certain nombre de supports aux
groupes, aux collectifs dans ce contexte.
: Mais est-ce que ce sont
juste des nouvelles manières de faire qui s'inscrivent dans une société qui
évolue à son rythme de manière tranquille, ou est-ce que c'est
vraiment un changement majeur? Es-ce que le numérique, cette notion de
rupture introduite par le numérique, est-ce que le numérique introduit au
niveau social? Est-ce qu'il y a ce changement majeur qui intervient?
: Moi ce qui me semble qui change c'est une question
d'échelle on va dire. Puisque on a des,
des populations massives qui vont avoir les mêmes pratiques, les
mêmes activités, qui vont se retrouver dans le des mêmes espaces.
Sur World of warcraft on va avoir sur un espace commun,
partagé, un ensemble très important de groupes qui sont en
fait très différents, de joueurs, qui ont des pratiques qui peuvent être
très différentes et qui peuvent être parfois conflictuelles d'ailleurs.
Donc ça change des choses à ce niveau-là et c'est aussi des
outils qui permettent de faire coexister une échelle donc très
globale et une échelle très locale. Parce qu'on va avoir à la fois des
des usages qui vont être très spécifiques, et des
espaces qui vont être très généraux. Et donc après se pose une
question de comment on arrive à gérer à la fois le local et
le global? Bon on l'a vu récemment d'un point de vue politique et à un niveau
international, ça peut poser un moment donné des problèmes.
: C'est très vrai. La question local global
c'est l'alternative,c'est le concept qui permet de
comprendre, d'analyser le numérique. Et on
pourrait dire aussi individu-masse. Il y a une massification très
importante des corps sociaux transnationaux, et
puis il y a une mise en exergue de de l'individu.
Donc il y a une sorte de paradoxalité, la notion d'individu par
rapport à la masse, internet est le reflèt
de cette paradoxalité, de ce paradoxe. Mais pour moi il il y a
rupture. Pour répondre à votre question est-ce
qu'il y a une rupture, oui, il y a une rupture et une rupture
d'abord sur le plan sémiotique
du statut de la connaissance. Je pense qu'on vit, bon
c'est une banalité de le dire parce que tout le monde le dit, mais c'est
c'est vrai, je crois qu'on est engagé dans un front d'onde qui bouge,
et qui est une révolution comparable à la mutation de
l'imprimerie et de Gutenberg. On est dedans. Et comme on est dedans on a
du mal à l'analyser, on est pris dedans quoi.
Et donc justement au delà de ça il y a une question qui est en rapport
avec le transhumanisme parce qu'on évoquait avant les structures
socio-techniques qui pourraient réguler, et dont est-ce que on pourrait
parler du transhumanisme, donc l'équipement des personnes,
enfin cette vision encore au-delà de juste la mutations de la
connaissance, mais qui s'applique à tous les individus,
l'équipement de tous les individus.
: Ouai on va
peut-être et être devant une nouvelle vexation narcissique de l'humanité.
On pensait que notre organisation biologique était
finalisée, et qu'elle nous spécifiait comme
êtres vivant, qu'elle nous différenciait des machines, et on se
rend compte aujourd'hui que cette différence entre
système automatisé, système artificiel et
systèmes biologiques, et bien cette distinction elle
est très mise à mal et peut-être qu'elle n'existe pas. Moi j'ai
l'expérience des implants cochléaires chez les personnes
sourdes, le fait qu'on interface sur le nerf auditif des systèmes
numériques qui permettent à des personnes sourdes d'entendre,
il y a 30 ans ou 35 ans quand ça a commencé j'y croyais absolument
pas. Pour moi c'est, je veux dire, c'est de la folie.
Et j'ai été obligé de faire le constat de la capacité de
pouvoir interfacer un système aussi sophistiqué que la
perception humaine, la perception auditive humaine avec des systèmes
artificiels. Et ça va exister pour la vision, ça peut exister pour
la mémoire, pour dire les choses qui seront dans les dix quinze
prochaines années. Donc l'interface
être humain, être biologique avec système numérique
externalisé, elle va se faire. Et là il y a quelque chose de pour la
pensée qui est extrêmement violent, et pour
lequel il va falloir s'habituer à cette rupture.
L'homme augmenté va subvenir, va arriver voilà.
On est confronté à ça. Avec des systèmes automatiques numérisés externes, ils
vont être progressivement implantés, interfacés avec ce que nous
sommes. Donc il y a des modifications de la pensée, modifications du système de
perception etc.
: Alors justement beaucoup de grandes
entreprises ont un pouvoir grâce à la mondialisation avec un
pouvoir étendu, que peuvent faire les Etats en terme de de régulation
par rapport à ces entreprises mondialisées? C'est une des
questions posées.
Ça dépasse vraiment mon espace de compétences. Je sais
pas... Mais on a, dans
l'histoire il y a des exemples d'une économie
qui était totalement libéralisée, puis à d'autres moments
qui a été régulé. Je pense que les États dans la
coopération entre Etats, peut-être avec des instances
supranationales, vont réguler. De toute façon aujourd'hui
c'est plus possible, on peut pas laisser la situation
actuelle, on l'a vu avec les événements derniers, je veux dire
c'est pas possible. Les Etats vont réagir, pour moi c'est une
évidence. La façon dont ils vont le faire, eh ben il vont réguler, ils
vont mettre en place des
systèmes pour pouvoir faire en sorte que les entreprises ne
puissent pas être dans un espace totalement sans droit. Voilà. C'est un
conflit. Un conflit secteur libéral contre les Etats. C'est vrai c'est
un conflit mais il est pas dit que les Etats perdent.
: Oui non je ne suis
politiste non plus mais
encore une fois, pour le coup je suis pas certaine que il y a une telle
absence de régulation en fait, et que au final, il y ait pas en tout cas
des appuis pour les Etats et que les entreprises jouent
certes avec l'échelle internationale etc, mais si elles jouent c'est qu'il
y a des règles. Donc elles négocient avec des règles existantes. Donc
effectivement, probablement ces négociations vont
évoluer. Et finalement c'est plutôt, enfin l'idée de se
dire qu'on est pas dans un monde figé et qu'on est dans une
société qui évolue de manière continue est plutôt
une idée que je trouve positive, y compris le fait
qu'on est à établir des nouvelles
régulations, et des nouvelles formes de droit.
: En fait c'était dans la suite
justement, par rapport à ces mesures que pourraient prendre les États, une des
choses dont vous avez parlé dans vos interventions, était l'obligation,
enfin la mise en place d'une identité numérique
publique et validée par l'autorité. Est-ce que
c'est vraiment une nécessité? Enfin ça réintroduit la
responsabilité de l'individu, mais Google a essayé d'imposer ça
dans son réseau social Google plus n'a pas réussi, et en plus par
rapport à, par exemple toutes les utilisations
positives d'Internet dans ce qui est les opposants
politiques, ont besoin de cet anonymat. Donc est-ce
qu'il est vraiment, est-ce que ce serait vraiment une bonne chose,
une bonne mesure que d'appeler une telle
identité numérique validée publique.
: Vous avez raison c'est vrai qu'Internet
est aussi un espace de liberté qui a permis
à des individus ou des groupes vivants dans des sociétés
répressives et totalitaires de pouvoir faire vivre le printemps
arabe, enfin de faire vivre des mouvements qui étaient
abusivement opprimés dans des systèmes qui ne
sont pas démocratiques. donc c'est vrai qu'il y a... Après il faudra régler le
curseur. Ça va être un problème de... Mais c'est vrai que l'idée
qu'on puisse, sur Internet, caché sous son pseudo, diffuser
à des millions de personnes des messages xénophobes, racistes,
antisémites, des appels à la haine, c'est pas possible. Il y
a un moment donné où moi j'imagine mal l'absence
de réaction des Etats. Ça me paraît... Et puis même pour la
conscience citoyenne, citoyen du monde, enfin je veux dire on
peut pas se cacher sous une fausse identité
pour faire des choses comme ça. C'est pas possible. Il y a une faute
éthique. Donc alors est-ce que la régulation doit passer à
l'échelon national par un service public de l'identité numérique, ou
à l'échelon supranational par une sorte d'éthique qui serait, avec
des instances supranationales légiférants, je sais pas.
Peut-être que les Etats sont maintenant dépassés, et
qu'effectivement il faut que l'éthique de l'utilisation du
numérique passe par une instance supranationale, c'est
possible. En tout cas le laisser faire complet, et faire confiance
à la responsabilité des individus, là je crois qu'on est dans
l'illusion.
: Oui je pense qu'il faut
faire quand même attention à cette idée de, il y a
un contraste entre, à la fois l'envie de, la peur
par exemple d'avoir ses données personnelles qui sont analysées,
traitées, d'être en quelque sorte contrôlé dans ses activités, et puis
demander plus de régulation et surtout une régulation qui serait
centralisée, et donc qui imposerait ben comme c'est le cas en
Chine par exemple, d'avoir son
identité qui est associée à, par exemple un compte de jeu
ou ce genre de choses. Donc il y a quand même un
certain nombre de choses, enfin je pense, qu'on a pas mal de
gens qui dénonceraient cette régulation comme liberticide
et contraire à la liberté d'expression défendue par
Internet jusqu'ici.
: Donc justement en lien il y a une question qui me parait
un peu en lien, c'est comment s'organiser pour que la pensée
critique marque le numérique à la culotte? Et du coup quel, parce que
vous avez parlé de collecte de données, de traçage, qui
sont très utiles pour la recherche. Est-ce qu'il y a des nouvelles
méthodologies qui se développent dans la recherche qui permettent justement
d'utiliser ces potentialités? Il y a des nouvelles pratiques mais
ce changement d'échelle peut peut-être apporter également de
nouvelles méthodologies de recherche de ces sujets. Donc est-ce que
vous voyez des choses intéressantes émerger qui n'étaient
pas possible avant, simplement pour des questions d'échelle ou de
possibilité?
: Oui il y a tout un travail autour de ce qu'on appelle
les Big Data, donc qui permettent d'avoir, mais qui sont en fait
des traitements statistiques et de mise en
relation qui ne pouvaient pas être faits auparavant.
Donc ça permet de faire émerger certains
phénomènes. Après comme je le disais tout à l'heure, reste la
question de, comment ces données sont collectées, comment elles sont
traitées, et comment elles sont analysées et interprétées. Donc on
est encore pour l'instant dans ce type d'analyse sur des
questions qui sont pas, on se demande
encore comme faire. Enfin e méthodologiquement c'est encore une
question. Certes on a beaucoup beaucoup de données, on
arrive à en faire un traitement mais on ne sait pas
exactement ce que signifient ces résultats
par rapport à l'usage qu'on en fait, au traitement
qu'on fait subir aux données. Enfin l'usage de la statistique et
les leçons qu'on a tiré méthodologiquement de ce type de
technique peuvent prêter à penser qu'il faut attendre un petit peu
pour comprendre bien les implications méthodologiques de l'usage
de données massives.
: La définition du Big Data c'est
ce qui tient pas dans mon classeur Excel en fait.
Dès que c'est plus gros que ce qui peut être traité
par un tableur c'est une Big Data. Non mais c'est
vrai qu'il y a les techniques de d'analyses de
données massives vont imposer des traitements
particuliers, que ce soit par des réseaux de neurones formels ou des
systèmes d'intelligence artificielle, mais c'est vrai que, peut être qu'on va
finir pas voir que le flux d'informations est un flux
chaotique et qu'on peut rien en tirer. Ce sera le chaos.
: C'est juste des techniques
c'est pas véritablement des méthodologies. Big Data c'est
juste un outil dans ce domaine là. Après est-ce que l'outil, enfin l'outil
forcément transforme l'activité, donc dans quelle mesure
ça transforme cette activité de recherche? Est-ce que les
chercheurs eux-mêmes, enfin les utilisateurs sont fascinés par le
numérique et les chercheurs eux-mêmes sont fascinés par le Big Data et ce que
ça leur apporte, que ce soit au niveau sociologique ou individuel
via les technologies réflexives de transhumanisme justement ces
choses là.
: Oui il y a certainement un effet de d'engouement et de mode
et de recours à des données, enfin de à la récolte donner à
l'analyse de données voilà qui, quand il y a pas une
problématique derrière claire, apporte pas forcément
une connaissance qualitative. Il y a aussi un effet de
ce traitement systématique de données qui fait que, on peut mettre
en relation des phénomènes sans forcément avoir
l'explication de la variable.Je sais pas on sait que tous les
gens qui portent des tee-shirts jaunes ont plus tendance à
acheter un certain type de fromage, mais ça
n'apporte pas, donc on le sait, on sait aussi le type de traitements qui sont faits,
le type de Data analyse sur des
données mais qualitativement ça apprend pas grand chose. Enfin voilà.
: C'est tout ce qui est le rapport entre corrélation et causalité.
Tyler a un très bon site là dessus qui
reprend justement, qui traite automatiquement un certain nombre de
séries et qui trouvent des corrélations entre des choses, la consommation
de fromage et nombre de divorces, ou des choses comme ça aux états-Unis. Donc.
: Une dernière question peut être avant qu'on arrête
cette diffusion en direct et on traîtera encore quelques autres
questions dans un bonus. Plus particulièrement peut-être à
Benoît Virole, est-ce que il faut s'adapter par rapport au
transhumanisme, est-ce que c'est souhaitable de s'adapter à
cette ambition transhumaniste, qui est promue, notamment par Google,
avec leur gros projet Google Lab, ou est-ce que c'est une
utopie qui nous déshumanise? Dans quelle mesure est-ce qu'il est
souhaitable d'accompagner ce mouvement ou plutôt de vouloir y
résister parce qu'on anticipe des choses pas forcément très positives
qui pourraient en sortir?
: Je pense que l'homme il reste et
restera homme, enfin homme et femme, on reste
des êtres humains avec notre
ancrage pulsionnel, notre héritage phylogénétique, tout
ça ça reste en nous, ça va pas bouger. l'être
humain il a guère bouger depuis le début de son
existence. On reste des êtres violents, la culture
c'est juste une petite pellicule sur notre sur notre organisation pulsionnelle.
On est agressif, on a des désirs de
meurtre etc. Donc ça
ça va pas disparaître. Mais ça va être, la petite
pellicule de la culture et de la civilisation, elle se transforme, se
modifie, mais le fond humain il reste. Mais dans cette petite
pellicule qui va se modifier, oui il y a des
choses qu'on pensait inimaginables, vont
pouvoir arriver et exister. Je pense en particulier sur la question de la
mémoire, il est plus que probable que dans les 20 prochaines
années on aura des possibilités d'implants,
d'implants artificiels qui vont pouvoir modifier,
augmenter les capacités de mémoire immédiate. Ça
c'est quand même quelque chose de... Donc qui qui dit système
artificiel dit aussi manipulation éventuelle.
Donc de tout ce que la science-fiction nous a apporté va
devenir réalité. Est-ce que c'est souhaitable ou pas,
de toute façon je pense que l'espèce humaine elle évolue, on
n'a pas beaucoup de moyens d'orienter son développement. Par
contre là on a peut-être une mission c'est de conserver
la pensée critique, conserver la pensée réflexive sur ce
qu'on est, accepter aussi notre héritage, accepter
notre conflictualité Interne et ne pas se laisser berner
par des illusions. Ça c'est une mission.
: Très bien bon, on peut conclure Je pense.
Donc c'est la fin de ce webinaire. Merci beaucoup. Donc il
sera mis en ligne, donc l’enregistrement de ce webinaire sera mis
en ligne demain. Il y a également un bonus qu'on va
enregistrer avec quelques questions qu'on n'a pas eu le temps de traiter
ici durant cette séance. Merci à nos invités et merci à tout
le monde pour leur participation sur les forums, c'était vraiment très
enrichissant. On n'a pas encore fait, l'équipe de d'animation du MOOC
n'a pas encore fait sa séance de bilan pour faire
un bilan général, mais c'est c'est un travail en cours. En
tout cas vous pouvez toujours participer le Forum,
les forums restent ouverts pour l'instant, donc vous pouvez
encore contribuer à à ce MOOC. Vous pouvez encore participer
notamment à la dernière semaine qui sera
officiellement en cours jusque mardi prochain. Et nous vous ferons part des
suite que nous donnons à ça. Notamment de tous
les bilans, qui ont eu lieu, de tout ce qu'on peut en tirer
prochainement. Donc à bientôt.