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Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce Webinaire
numéro 2! Nous avons aujourd'hui Julie Caillon
et Damien Aubert comme animateurs et nous recevons Bruno Rocher et
Laurence Allard comme invités... Olivier Aubert! Pardon! Mais Damien Aubert
est aussi dans la salle! C'est sans doute pour ça! Avant de leur passer la
parole, je voudrais faire un point sur les forums et quelques
conseils pour rendre l'usage des forums plus attractif,
plus facile. Vous avez vu que dans
l'arborescence du MOOC, vous avez une rubrique "Discussion
qui ouvre sur les forums, sur cette rubrique "Discussion", vous avez un
un icône en haut à gauche qui vous permet de cliquer sur toutes les
discussions et, qui vous donne ainsi accès à toutes les lignes d'échange
du forum. Et vous avez notamment aussi, une ligne sur "messages non lus
qui vous permet d'aller voir tout ce que vous pouvez aussi, continuer
à regarder. Sur chacun des messages, en haut à droite du message, vous
avez une petite croix et une petite étoile qui vous permet d'apprécier
ou de suivre le message et on vous encourage beaucoup à utiliser ces
petits outils qui vous permettent plus facilement d'interagir et qui
nous permettent nous aussi de faire remonter certains messages que vous
trouvez pertinents. Nous sommes en train de construire un
petit guide-pratique d'usage des forums et, bien que nous soyons
en 2015, à l'ère du numérique, il y a besoin d'explications et de
conseils pour se retrouver. Et si certains veulent participer aussi
là-dessus, c'est possible! Plus particulièrement dans les échanges, on
vous invite à utiliser d'autres outils comme le Drive, comme
Prezi, comme tout autres outils que vous trouverez pratiques
pour développer les échanges, développer les discussions sur
le MOOC. Sinon, le forum se constitue de beaucoup de message
unique donc n'hésitez pas à interagir entre vous. Egalement,
certains participants ont rapporté ne pas recevoir les messages
hebdomadaires, tout simplement parce que c'est une liste d'envoi
et regardez aussi dans votre boîte mail si ces messages ne vont pas
directement dans votre boîte spam, c'est arrivé pour certains.
Alors, pour aujourd'hui, vous avez pu voir que le nuage de mots a
considérablement changé et que plusieurs... et qu'il est plus
varié. On retrouve sur un même pied d'égalité différents mots comme:
pratique, information, utile, mais aussi indispensable et chronophage.
Donc une thématique sur "Moi et le numérique" qui s'annonce très
intéressante! Et je passe la parole à Olivier Aubert.
Merci! Donc bonjour!
Bienvenue à ce deuxième Webinaire du MOOC sur l'addiction et le
numérique. Donc tout d'abord, merci pour vos contributions qui ont
été assez nombreuses sur le Forum et assez enrichissantes! Je vais juste faire
un petit retour justement dessus pour remettre... pour les mettre en...
mettre ce séminaire en contexte de ces contributions. Donc, sur la thématique
de "Moi et le numérique", donc notre rapport au numérique. On a pu
lire des témoignages sur les énormes apports du numérique, donc tout le
monde le reconnaît. Ce que ça facilite, ce que ça porte
comme ouverture, mais également sur la sorte de vertige qui en découle.
Ou pour citer une contribution sur un sentiment de frustration, voire
d'un monde qui court dans le vide... donc il y a
un peu cette sensation qui ressort. Donc là, c'est une
citation mais y'a d'autres personnes qui ont dit des choses qui
ressemblaient beaucoup. Donc la variété des retours sur les usages du
numérique, ça montre bien l'étendue que ça a pris, que le numérique a pris
dans notre vie. Tout le monde en est bien conscient. Donc l'importance
que ça prend tant dans le domaine personnel que professionnel, et ça, cette
articulation "personnel" et "professionnel", c'est quelque chose aussi,
une thématique qui ressort beaucoup. Et donc cette
étendue est tellement énorme qu'un participant a même proposé plutôt que de
répondre "à quoi correspond le numérique? Comment est-ce qu'on
pourrait le définir?", il propose de le définir en creux et propose plutôt de
réfléchir à ce qui ne relève pas du numérique dans nos
vies. Donc, ce qui est assez intéressant. Et ,enfin le sondage sur
notre perception du numérique, donc on a mis en place un petit
sondage qui était "l'Internet Addiction Test", un sondage assez
ancien et qui a fait réagir tant sur les résultats que sur sa... que sur
les questions qui sont présentes, et c'était bien l'idée, en fait, de
faire réagir, de se poser aussi des questions de comment , qu'est-ce
qu'on cherche à savoir à travers ces sondages, mais il en
ressort quand même que la plupart des personnes essaye de
distinguer... distingue bien les cas où le numérique, soit est
indispensable pour leur travail ou leur permet de gagner du temps,
il y a des tâches tout à fait pratiques qui sont comme trouver des
horaires ou des choses comme ça, où le numérique fait clairement gagner du
temps et celles un peu plus annexes où on peut se retrouver absorber et
avoir un sentiment un peu de futilité, parce qu'on se demande pourquoi on a
passé trois heures à faire! ça nous amène à penser que les
éclaircissements de nos deux invités ne seront pas superflus pour essayer d'y
voir plus clair et Julie va les introduire.
Bonjour! Donc, pour
pour suivre effectivement ces échanges de la semaine nous recevons
aujourd'hui Laurence Allard, qui est maîtresse de conférences en
sciences de la communication et chercheuse à l'Université Paris 3
et puis Bruno Rocher, qui est psychiatre en addictologie au CHU de
Nantes. Donc ils vont nous apporter leur regard sur ces questions. Alors,
on vous invite à réagir grâce à l'outil CocoNotes Live,
disponible sur le MOOC ou sur Twitter grâce au hashtag numaddict.
Donc, vous posez... vous pouvez poser toutes vos questions et nos
invités répondront à la fin de ce Webinaire. Et puis les notes
que vous prendrez sur CocoNotes Live seront ensuite re-synchronisées
après l'enregistrement. Voilà! Donc on va pouvoir commencer
nos échanges.
J'oubliais...! Donc, bonjour! Alors, je vais poser la
question, vous allez vous concerter rapidement pour savoir qui répond en
premier, qui est le plus inspiré. Donc, on va commencer par essayer un
peu comme dans le déroulé du Webi... du MOOC, de la
semaine, d'essayer de définir notre domaine, notre sujet d'étude donc
l'objet. Donc le numérique! C'est assez large comme concept et donc
qu'est-ce que ça recouvre par rapport à votre approche donc
par rapport aussi aux interventions, à l'analyse que vous allez en
découler, qu'est-ce qu'on... qu'est ce que ça recouvre soit par les outils,
les plates-formes, les usages, différents ensembles d'analyses qu'on
peut utiliser pour définir la notion de numérique?
Donc, nous avons
des disciplines différentes donc de mon point de vue de
sociologue et d'ethnographe des pratiques numériques, et bien moi le
numérique, je le décrirai en quatre points: c'est de façon très concrète
en fait, le numérique, plutôt une combinaison de terminaux
connectés, de services et de fonctionnalités et c'est une
combinaison que chaque usager va ajuster d'une certaine façon à ses
contraintes, à ses désirs, à ses besoins qui sont ponctuels ou plus ou
moins permanents. Et donc, on pourrait dire que c'est une panoplie
voilà, d'écrans, de services, de fonctionnalités, ou alors une
constellation parce que les constellations sont les observateurs
qui les décrivent et donc ce sont les usagers qui décrivent voilà,
leur numérique en fonction de voilà, des différents outils dont
ils ont besoin, des différents services qu'ils utilisent et qu'ils
apprécient, les différentes fonctionnalités qu'ils
pratiquent. Le deuxième point, c'est que c'est une...
comme c'est une panoplie vaste d'écrans et de fonctionnalités
de services, on s'aperçoit que les usages glissent en fait d'un écran,
d'un terminal, d'une fonctionnalité, d'un service à l'autre. C'est-à-dire
que c'est vraiment une combinaison transécranique et
transmédiatique. Troisièmement, c'est une panoplie, une combinaison,
constellation d'outils, de services, de fonctionnalités qui est pratiquée
dans un mix de compétences et d'incompétences et ce à tous les
âges! Donc, déconstruire bien sûr, le mythe du natif digital,
on peut être par exemple, ne pas se servir du téléphone et être à
58 ans un gros téléchargeur au point de recevoir une lettre de
l'Hadopi voilà! Donc, on est pas compétent sur tout, et pour
pallier à ce mix de compétences et d'incompétences, on pratique souvent
le détournement en fait des services, des fonctionnalités, c'est-à-dire, je
donne souvent cet exemple c'est: envoyer une clé USB par la
Poste parce qu'on ne sait pas comment charger des photos sur son ordinateur et donc c'est
d'hybrider en fait les supports, les outils, pour pallier à cette
incompétence partielle ou des compétences au contraire qui
sont très virtuoses. Et la quatrième... le quatrième point, c'est qu'on pratique
cette panoplie connectée, donc ce sont des écrans qui sont connectés et
on pratique cette connexion sous un mode que j'appelle
disjonctif, c'est-à-dire, on n'est jamais et... Enfin, on est la plupart du
temps jamais ou connecté ou déconnecté mais on est toujours à la
fois connecté et déconnecté, puisque cette panoplie d'écrans de
services, de fonctionnalités, est très très
vaste. Il y a 25 services de réseaux sociaux dans le monde, on
n'est pas connecté à tous ses services de réseaux sociaux! On en
choisi quelques uns qui nous conviennent, dont on a besoin et donc,
on est connecté à certains services et déconnecté à
d'autres. Et ce qui revient le plus souvent, c'est justement plutôt la
fatigue de la connection que de devoir réfléchir à bah oui justement
avec quel l'écran, avec quel terminal, avec quels services, avec
quelles fonctionnalités, je vais répondre, je vais correspondre, je vais échanger,
je vais communiquer, et c'est plutôt d'abord la fatigue de la connection qui
revient dans les entretiens que d'emblée une description sous le
terme d'addiction.
Donc ça, c'était un point de vue plutôt sociologique,
et donc, qu'est-ce qu'on pourrait avoir comme éclairage du côté
psychiatrique?
Alors, bonjour du coup! Alors, je souscris
tout à fait votre définition et en même temps c'est clairement pas mon
domaine, c'est le vôtre, donc je ne peux que acquiescer!
Il me venait surtout des réflexions, moi, le numérique
c'est surtout une révolution. Pour moi, c'est ça!
C'est individuellement quelque chose auquel j'ai été assez habitué mais
dans le soin, ça modifie clairement des choses, de rapports
aux patients. Je me disais qu'on s'était jamais vu mais par contre on a
échangé déjà quelques mails et qu'on se connaît par ce biais là qui me
semble être un biais numérique, et que, par ce biais là on a déjà été
connecté à différentes heures de la journée d'ailleurs, d'autres très
récemment dans la nuit dernière pour voilà! Et essayer depréparer au
mieux ce séminaire et éventuellement se répartir les tâches mais
effectivement sur la question que vous posez je pense que la
définition que vous donnez est bien plus à propos que ces remarques
personnelles.
Alors, justement, au cours de cette semaine les
participants ont pu décrire l'importance qu'aujourd'hui le
numérique, enfin que les outils du numérique pouvaient prendre dans leur
vie en nous expliquant par exemple que dans leur quotidien, que ce soit
pour préparer un voyage ou utiliser un service de banques en
ligne... et puis au niveau relationnel, ils ont pu nous décrire
des changements. Une personne autour de la quarantaine
expliquait que quand elle était jeune, le dimanche, on se déplaçait, on
n'allait voir la famille et on allait directement chez eux s'ils étaient
pas là, on laissait un petit mot et puis ensuite, le téléphone est
arrivé donc on téléphonait avant d'y aller puis les échanges
téléphoniques étaient plus longs pour finalement aujourd'hui arriver à
des échanges via les SMS ou Skype, qui ont changé le mode de
communication qu'on peut avoir aux autres. Et puis, au niveau de la
société donc, à un niveau plus large, toutes les traces
ordinaires qu'on peut laisser avec sa carte bancaire, avec les banques etc...
qui ont vraiment modifié notre rapport au monde,
alors, je vous pose la question comment on pourrait expliquer
l'importance que le numérique a pu prendre dans nos vies, voilà, quel
point de vue vous pouvez avoir sur ces questions?
Justement, quand on
parle de révolution du numérique, je... donc ça fait à peu près une
quinzaine d'années que j'ethnographie des usages du
numérique, ça a commencé par les newsgroups, et aujourd'hui ça peut
être des usages des montres connectées, donc c'est une échelle
temporelle assez large, et ce que j'observe, c'est que cette
révolution, elle s'est banalisée, elle s'est trivialisée et que, dans les
formes... je suis en train de terminer un terrain récent dans le
Nord-Pas-de-Calais, monographies régionales avec des profils sociaux
-démographiques très vastes et donc je vois
monter cette banalisation, c'est-à- dire qu' Internet fait désormais partie
intégrante de nos vies et c'est devenu aussi mainstream mais
aussi banal, aussi routinier et aussi trivial que de faire un
Leclerc, un Drive au Leclerc, parce que c'est un des premiers usages qu'on
va avoir, c'est de faire ses courses par Internet et donc,
j'ai des formulations frappantes, je les relis, avant on avait
boulot-métro-dodo, maintenant on a boulot-voiture-Internet ou encore
maintenant c'est maison-boulot- Iphone. Voilà! C'est devenu une
routine comme une autre, c'est devenu extrêmement banalisé, extrêmement
routinisé et donc il y a voilà... parler de révolution, c'est
peut-être aujourd'hui un peu trop fort puisque ça fait partie
intégrante du quotidien. Et donc, avec toute cette panoplie
d'outils, de services, de fonctionnalités, il y a un socle commun des
pratiques qui est en train vraiment de s'affermir. C'est textoter,
envoyer des SMS, c'est consommer, en effet! C'est faire des recherches
à tout moment, à tout propos, a minima en regardant la télévision
par exemple. C'est se visiter comme vous le disiez, donc on ouvre un
compte Facebook pour mettre des photos du petit dernier, pour
s'échanger entre copines, voisines, cousins-cousines, soeurs...
des photos et des commentaires. Et puis, c'est jouer. Voilà! Et ce que je
veux observer, c'est qu'on regarde de plus en plus aussi jouer, il y a des
chaînes consacrées aux jeux et ce qui monte là en ce moment, c'est le fait
de regarder Internet aussi. Internet devient un spectacle, on regarde
une vidéo, on regarde des chaînes de jeux et donc ça, c'est le socle
commun des pratiques qu'on va trouver chez la plupart
des personnes interrogées.
Donc on va pouvoir passer, en fait,
ce qui relevait du deuxième... de la deuxième phase de la semaine qu'on
proposait dans le MOOC qui est "comment est-ce qu'on peut... moi, où
j'en suis avec le numérique?"," comment est- ce qu'on peut évaluer ça, comment
est-ce que je peux me positionner par rapport à ça?" Donc, une des
activités qu'on avait proposées, c'était de répondre à un
questionnaire qui était "l'Internet Addiction Test", je l'ai mentionné tout à
l'heure, qui a tout un tas de limites que les gens ont bien perçu, ont bien
remarqué, donc c'était intéressant à ce niveau là, ça a bien fait réagir.
Qu'est ce qui a... donc au-delà de ces questionnaires, on peut
éventuellement parler éventuellement de ces questionnaires d'évaluation mais aussi
pour quelles raisons on ressent le besoin de s'évaluer, de
se positionner par rapport à ces choses-là...
Pour quelles raisons on ressent le
besoin de s'évaluer? J'en sais rien. Je pense que ça fait partie un
peu de la mode actuelle, de psychologisation aussi de la vie
sociale, d'avoir besoin de se tester les uns par rapport aux autres sur
des questionnaires et éventuellement, les gens ça peut les
rassurer par rapport aux bouleversements effectivement,
révolution, c'est peut-être beaucoup, mais aux bouleversements actuels, finalement
d'avoir une réponse pseudo objective, ça peut être quelque chose de
rassurant et des auto- questionnaires sur les magazines
féminins, ça fait aussi quand même des siècles que ça existe, au
moins des dizaines d'années! Mais, c'est quelque chose qui est peut-
être plus en vogue actuellement et dont l'objet numérique parce qu'
on a accès justement à ces questionnaires en ligne quand
éventuellement on a envie de s'évaluer par une problématique éventuellement
médicale ou psychologique, est quelque chose qui peut faire partie
du quotidien actuellement.
Oui, pour rebondir sur cette question de la
psychologisation de la vie quotidienne,
il y a de fait une psychologisation, en effet, des usages,
de ces usages numériques, et ça, j'ai également vu monter
cette façon de décrire ces usages du point de vue médical
en se souciant de son caractère pathologique. Autrefois on s'évaluait
plus en termes de compétences, les entretiens commençaient souvent
par "oh la la, moi, je suis pas très doué" et maintenant on peut avoir des
entretiens qui commencent par "oh la la, moi, je suis vraiment pas accro", ça
veut dire, "j'ai peu d'usage". Mais donc on va qualifier son peu d'usage
par, en référence à justement une catégorisation du type
psychologisante et médicale. Et donc, et je pense, ça
qu'on peut finalement expliquer le pourquoi de cette
entrée dans la pratique du côté du médical, la médicalisation,
la pathologisation, c'est que le parent, quand on
prend les usages du mobile, le mobile donc, c'est un objet qui va nous
accompagner tout au long d'une journée et qui est utilisé dans
certains cas pour finalement exprimer des sensations,
remplir l'ennui, en faisant des petits jeux, dès qu'on a un...
voilà, un temps d'attente, on va faire... on va jouer, on va envoyer des SMS,
il y a aussi quand on est sous le coup de la colère on va,
voilà, au lieu de discuter avec quelqu'un on va lui envoyer des SMS,
ou quand on trouve un paysage intéressant, quand on
est bouleversé par l'acte terroriste de la semaine dernière, on
va photographier les "Je suis Charlie" qu'on a autour de nous, parce que
voilà, on est à cette émotion et donc il y a un rapport assez
actif vis-à-vis de soi par l'intermédiaire de cet outil, c'est-à-
dire on transforme des sentiments, des sensations en des expressions,
des photos, ou des messages et donc c'est un outil qui nous sert
finalement à avoir une sorte de voilà, de rapport actif à ses
sentiments, à ses sensations, et c'est cette dimension un peu somatique, un
peu incorporée du mobile, qui me semble expliquer le pourquoi
finalement on va décrire sa pratique également en terme médical parce que
c'est lié à notre corps, à notre cerveau et il y a également des
descriptions aujourd'hui assez intéressantes de planche
anatomique que l'on va élaborer, tenant compte justement de
la façon dont les outils sont disposés. Donc, quelqu'un me
décrivait sa soeur comme accro parce qu'elle était devant la télé, elle
avait son ordinateur pour faire ses devoirs, sa tablette avec Facebook et
son portable avec...pour faire des snapchat. Et donc elle était
ceinturée d'outils et d'écrans et cette planche anatomique pour elle,
incarnait justement la façon dont elle était un peu
trop renfermée, un peu trop en effet, accro au numérique.
Oui, pour
compléter le propos dont je suis bien d'accord effectivement, moi je
considère personnellement que mon Iphone enfin mon Smartphone, si on
fait pas de pub! Est effectivement un prolongement de
moi d'une certaine manière, alors effectivement avec
l'incorporation que ça nécessite de questionner mais en tout cas, comme...
(J'ai plus de son!) un prolongement de de l'outil médical, c'est-à-dire,
que je me déplace beaucoup, je ne suis pas toujours dans les murs
du service dans lequel je travaille essentiellement, et, au cours de ces
déplacements, notamment professionnels, je suis joignable
par ce biais là et pour réaliser des actions médicales qui ne sont pas du
contact direct avec des patients même si c'est aussi possible,
éventuellement on pourra en parler! Mais , qui sont le lien globalement à
l'institution, à la préparation encore une fois je le disais de ce
séminaire. Il ne me semble pas d'ailleurs que j'ai reçu un seul
mail de préparation sur mon temps de travail officiel, enfin,
là aussi, il y a une déstructuration et un bouleversement j'allais
dire des cadres de temps consacrés à telle ou telle activité, le
boulot-maison-Iphone-dodo, je ne sais plus ce que vous disiez...
Effectivement quand je parle de révolution c'est bien pour signaler à quel point... pour signaler
à quel point (ça marche beaucoup mieux) pour signaler à quel point ces
différents temps de cadres qui effectivement il y a... (pardon)
il y a une trentaine d'années étaient bien scindés avec des temps
qui étaient tout à fait repérés, sont actuellement beaucoup plus mêlés.
Je ne pense pas en soi que ce soit plus pathologique que ça ne l'était
auparavant mais c'est une modification de la manière de faire
avec ces outils là, qui transforme de manière majeure notre
quotidien qui, en soi, peut à la marge pour certaines personnes
probablement plus fragiles, va avoir des conséquences qui vont être
négatives, néfastes, et rentrer dans le champ de la
pathologie ou au moins de la problématique d'usage.
Alors, par
conséquent, comment on pourrait définir ce qui est de l'ordre d'un
usage problématique? Comment cet usage qui serait à ce moment là
problématique du numérique peut m'impacter moi en tant
qu'individu et puis mon entourage? Et un participant sur le forum qui
expliquait qu'à force de commenter autour des forums, des
sites d'actualité etc... ça avait pu générer chez lui du stress lié
à la fois aux attentes des commentaires des autres sur les
notifications qu'il pouvait faire et puis s'il avait pas de notifications,
se poser des questions de pourquoi il en avait pas etc... et qu'il
avait ressenti le besoin à un moment donné de limiter sa pratique parce
que, effectivement, il se sentait un peu en difficulté avec ça.
Quel serait votre point de vue par rapport à ça?
Alors, c'est
intéressant ce que tu fais comme commentaire Julie, parce
que ça introduit clairement la question de la souffrance
psychologique et éventuellement de l'addiction. Alors, il s'agit pas de
renvoyer tous les usages problématiques du numérique à
l'addiction mais beaucoup à mon avis, en font partie. Et dans
le propos que tu introduis, tu parles de limites, tu parles de
contraintes, se sent obligé, se sent pénétré ou intrusé d'une
certaine manière par les usages, les commentaires de tweets qu'il
suit etc... et avec l'obligation de les suivre. Je ne l'ai pas
formalisé mais on a tous les critères de l'addictologie qui
viennent d'être déroulés en quatre termes. Donc je pense que... j'ai
oublié la souffrance, qui est l'autre critère majeur bien évidemment! Mais
à partir du moment où il y a une souffrance individuelle ou du corps
familial proche ou social proche, il y a un moment une question à se poser
sur l'existence ou pas d'un processus pathologique ou
en tout cas d'un processus qui va amener à une souffrance individuelle ou
familiale sur lequel à mon avis le corps soignant à une réponse à
donner mais bien évidemment pas seul! C'est-à-dire que le corps social
au sens large, la communication, la psychologie, bien sûr, la
sociologie, les lettres, enfin tous les objets d'étude
doivent être concertés par rapport à ces réflexions là. Moi je
parle du mien donc je parle de la psychiatrie, de
l'addictologie. Il y a certains patients qui sont hautement
concernés par le biais de cet outil là sur des décompensations, des
problématiques psychologiques ou psychiatriques par rapport à ces usages.
Alors, à la différence justement de votre discipline, moi
(je vais changer de micro déjà) Moi je cherche à
interroger, je décris, j'observe des usagers qui sont...
qui sont bien portants, qui justement, pratiquent pour
ne pas tomber malade, afin de pas tomber malade, et donc ce qu'on doit
mettre en avant dans notre travail d'ethnographie, ce
sont tous les procédés, toutes les tactiques, toutes les façons
de faire justement, qui empêchent de tomber dans l'addiction
au sens médical du terme. Donc, moi, j'observe et je m'entretiens
avec des personnes qui sont a maxima, je dirai attachées ,en fait,
à un écran, à un service, à une fonctionnalité, et donc c'est moins
la problématique de l'addiction que je vais rencontrer, que cette
problématique de l'attachement qui avait été mise en avant par
un sociologue de la passion musicale, Antoine Hennion, qui avait
essayé de montrer comment on pourrait sortir un peu de cette
justement problématique de l'addiction, en renvoyant
certaines pratiques qui ne sont pas encore des pratiques pathologiques
plutôt du côté de l'attachement, parce qu'être passionné, avoir une
inclinaison pour, ce n'est pas non plus une mauvaise chose que
d'avoir des passions et donc de ne pas pathologiser à
outrance, voilà! Notre relation à certains objets, à certains contenus,
à certains dispositifs. Et ils ont... il avait donc
mis en avant que l'attachement, c'est un dispositif qui est réflexif,
c'est-à-dire, le sujet est encore capable de se voir faire, de savoir
s'autolimiter et c'est un dispositif réflexif, c'est
un dispositif qui est médié par tout un ensemble, voilà, de
situations, de temporalités et donc, dans les entretiens
que je peux mener lorsque l'on me parle en effet, d'un
attachement à certains outils, à certains contenus, à certains....
à certaines fonctionnalités, ça va être justement des situations
temporellles, ça va être des réflexivités qui sont plutôt mises
en avant donc, la pratique qui tend vers l'addiction, qui est
un peu trop attachante, c'est la pratique, on l'a dit tout à
l'heure,qui est chronophage, c'est-à- dire, c'est l'omniprésence, le
faire tout le temps, donc ça, c'est extrêmement bien
décrit par certains interrogés. C'est le faire
partout, c'est-à-dire, toute situation donne lieu donc à
un usage, et donc, c'est cette idée, voilà, de faire partout
qui semble pour certains complètement inconcevable. Et puis,
c'est ce moment aussi où on se regarde faire donc c'est... on ne tombe
pas dans ce que certains anthropologues des jeux appellent
la zone machine,c'est-à-dire, on ne devient pas une sorte de robot qui
ne sait plus ce qu'il fait! On se regarde faire, mais à ce moment là, on
est dans cette... dans une petite limite, en effet, qui peut nous
faire passer de l'attachement à l'addiction. Mais tant qu'il y a de
la réflexivité, tant qu'il y a du discours sur... à mon avis, on est
plus dans l'attachement que dans l'addiction. Et, ce qui revient
souvent, c'est justement cette idée que réfléchir sur ses
usages, mettre en place toutes ces tactiques et bien, c'est fatigant, c est
prenant, ça occupe de la place dans nos vies mais, ça relève
pas forcément d'emblée de l'addiction. Mais de fait, c'est
prenant, il y a une emprise que cette réflexivité suppose
dans nos emplois du temps. Et dernière chose, donc ce
sont toutes les tactiques, les procédés qu'on voit poindre
justement pour éviter de tomber dans l'addiction, pour rester bien
portant... toute cette hygiène de la communication qui se met en place et
une... il y a une façon qui revient souvent dans
les tactiques, les procédés, c'est ce que j'ai appelé la déroutinisation.
Donc, c'est-à-dire, ça paraît très curieux mais, on a passé sa
journée à recevoir des mails sur son ordi pro, on emporte son ordi pro quand
même malgré tout à la maison parce qu'on a
encore des choses à terminer et, sitôt terminées, on va, je sais pas, se
commander des parfums. On fait autre chose avec le même outil pour
déroutiniser justement, et bien, comment dire?
Des usages un peu trop prônants que l'on a eu toute la journée. C'est
par exemple, changer de service, c'est-à-dire, on se
sent pas très bien, on n'a pas envie de faire un Skype parce qu'on
n'a pas envie de se montrer. Et bien, on va utiliser Viber par
exemple. Donc on va déroutiniser ses usages pour justement ne pas être
trop attaché à un service, à un écran, une fonctionnalité. ça, c'est le
le premier stade de cette réflexivité et qui nous montre que
c'est un attachement donc qui suppose de la matérialité, qui
est instrumenté, en fait, à travers cette panoplie.
Peut-être juste
pour compléter effectivement et puis dire que
on est justement avec des objets d'études qui sont différents et
des points de vue qui sont différents. Je pense qu'effectivement,
vous avez pour mission d'aller étudier la population générale,
moi j'ai pour rôle de rencontrer ceux qui viennent donc en
consultation pour une souffrance particulière individuelle
et familiale. J'aurai mis quelques limites
aux terminologies mais ça dépend justement dans quel contexte on les
utilise, avec quel objectif. La différence entre une passion et une
addiction, elle est bien évidemment obligatoire, parce que c'est... on ne
parle pas de passion dans le champ médical, enfin, on peut s'y intéresser
bien évidemment! Les patients peuvent nous le dire et nous-mêmes on peut
l'être, mais en soi, c'est pas une pathologie et heureusement, bien
évidemment! Par contre, effectivement il peut y avoir aussi des traits
communs, à savoir l'attachement à telle ou telle pratique, il peut y
avoir des engagements émotionnels extrêmement forts, je
pense que ce qui va différencier une passion et une addiction,
c'est la souffrance ressentie à l'utilisation ou à l'obligation
d'utiliser et l'incapacité réflexive d'avoir une capacité de contrôle
justement sur la conduite qui va en soi générer des
problématiques. Et là, je pense que c'est quelque chose qui est quand
même extrêmement important à signifier. Et puis, vous avez signalé
quelque chose qui est vrai pour vos... pas patients... vos individus, aux
sujets que vous étudiez les interlocuteurs que vous avez, moi
les patients que j'ai, ils ont une capacité réflexive assez
importante aussi, "je joue trop, ça me fait suer, ça fait suer
mes parents, j'arrive plus à bosser"... Pour les patientes
anorexiques, parce qu'on fait pas que du jeu vidéo dans le service, on fait
toutes les addictions, une patiente anorexique "oui, je sais que je suis
maigre" alors, quand elle a déjà évolué dans sa pathologie, "je sais
que je suis maigre, je sais qu'il faut que je mange, je sais que j'en
souffre, je sais que ça plombe mon cursus développemental, mes
capacités d'études mais je ne suis pas capable de changer" je pense que
le processus addictif, un des phénomènes centraux qui
le caractérise, c'est bien l'impossibilité individuelle ou
du système du patient, de sortir d'un comportement qui va se
répéter a posteriori et en continu, sans que le patient ait la
capacité de reprendre justement le contrôle sur le comportement.
D'où la tactique
de déroutiniser, c'est-à-dire de... un moment donné, en effet, se déconnecter
partiellement d'un type de terminal, d'un type d'outil, d'un type
de service et de fonctionnalité, et donc c'est là où il y a la
petite différence entre un attachement et... que l'on peut...
que l'on peut tout à coup,en effet, duquel on peut se
déconnecter et de l'addiction proprement dite.
Juste un tout dernier
commentaire pardon, sur le fait qu'effectivement se déroutiniser,
vous avez utilisé le fait d'apprendre à faire autrement, de
de faire un peu de prévention justement sur les transformations des
des usages, je pense que le corps médical depuis on
va dire, une petite dizaine d'années, mais c'est quelque chose qui est
extrêmement à la mode actuellement, s'oriente de plus
en plus vers des notions d'éducation thérapeutique, c'est-à dire-de
prévention thérapeutique qui vont permettre d'éviter d'engranger
des conséquences trop dramatiques ou trop complexes et de faire en sorte que
l'individu se saisisse de son parcours de soins, se saisisse de sa situation,
pour être beaucoup plus acteur de de cette notion là, et ça, ce sont des
notions qui sont particulièrementt, j'allais dire "à la mode" et qui à mon avis,
pour ces usages potentiellement problématiques de
nouvelles technologies, sur une frange de patients à risques,
seraient des choses à proposer notamment pour les jeunes patients.
Et, justement, si on prend le numérique dans cette définition,
un peu matérielle qui était celle que j'ai donnée au
départ, c'est-à-dire de panoplie d'écrans, d'outils, de services, de
fonctionnalités, on voit bien que et bien, il y a cette possibilité, en
effet, de se détacher ponctuellement d'un service
ou d'un contenu trop addictif, trop attachant, et
qui nous fait tendre vers l'addiction. Tandis que quand on parle
du numérique de façon très générale, on se donne...on a peu
de marge de manoeuvre justement pour savoir qu'en effet, on
peut être à la fois connecté et déconnecté, que l'on peut être
attaché mais que l'on peut toujours se détacher. Si l'on prend le
numérique dans ce sens large, on a plus de voies de sortie à mon
avis, de cette problématique de l'addiction.
ça tombe bien en fait! C'est
exactement la question que je veux poser depuis cinq minutes mais les traiter avant
même que je pose la question, c'est parfait! C'est à propos de cette
dénomination, parce que il y a plein de termes qui recouvrent...
donc on dit "addiction numérique" on peut, au lieu de dire "addiction", on peut
parler d'usage problématique, on peut parler d'usage excessif, on parle des
fois de dépendance, de cyberdépendance donc, il y a déjà le
premier terme, donc dépendance, addiction, attachement qui est aussi
un autre concept et après, il y a aussi le qualificatif qui est
derrière. Donc il y a "numérique" mais souvent pour les psychologues, on
fait un MOOC pluridisciplinaire donc pour moi en tant que
profane, discuter avec des psychologues pour qui, il est bien évident que
addiction à Internet, addiction au numérique, addiction aux jeux vidéo,
c'est un peu la même chose, enfin, ça recouvre un peu la même chose, est-ce
que c'est vraiment la même chose, l'addiction au numérique en général,
l'addiction aux jeux vidéo, l'addiction à Internet, au Web, cyberdépendance?
Donc, est-ce qu'il y a des choses encore à creuser dans cette histoire
de dénomination?
Il y a énormément de choses à creuser et à
typologiser. Globalement, je reviens moi, sur ma notion de
révolution parce que ça va tellement vite qu'on a bien sûr pas le temps
de faire une classification officielle, tellement ça va vite
qu'elle est balayée par les modifications d'usage. Donc, les
questions méthodologiques qui nous sont des fois renvoyées
comme quoi on a du mal à faire, et bien c'est tout neuf, et ça n'arrête pas de bouger, alors,
aller mettre des critères médicaux qui nécessitent souvent des dizaines
d'années d'épidémiologie pour prouver les choses, ça peut être
bien sûr discutable, un peu contestable, ça je peux tout à
fait l'entendre. Par contre, on voit en clinique, des patients qui
arrivent en consultation pour des problématiques qui sont évidentes
cliniquement, individuellement, mais à l'échelon individuel et qui
recouvre des problématiques qui sont différentes. Et puis là, c'est...
c'est là où le numérique a introduit une transformation de
la clinique, une transformation individuelle de la clinique aussi,
des symptômatologies qui sont présentées par les patients et il y a
plein de pathologies que l'on connaissait avant et qui sont
transformées par le numérique, le jeu d'argent, ça fait des siècles
que ça existe, l'anorexie, ça fait des siècles que ça existe, le jeu vidéo, ça
fait pas des siècles que ça existe, on n'avait pas l'outil auparavant. Mais,
par contre, les blogs de patientes anorexiques,
globalement, on sait finalement que ça fait plus de bien que de mal, même
si médiatiquement, on diffuse plutôt l'information que c'est extrêmement
néfaste, mais en fait, pas tant que ça! C'est une modalité d'échange entre
patientes, entre non patientes ou potentielles patientes qui se
reconnaissent pas et les jeunes filles moins graves, les parents mettent leur
grain de sel, enfin ça peut être compliqué, mais ça modifie
clairement les choses. Le jeu d'argent, la mise à disposition, le
sexe pornographique, pareil pour les addictions sexuelles, la mise à
disposition par l'objet numérique "tout, tout le temps" autant que faire
se peut, fait que ça fait monter probablement le taux... enfin ça
fait monter l'exposition c'est évident! Mais le taux de consultants
ou le nombre de patients concernés par ces problématiques
et ça, on le constate clairement en clinique. Et puis après, et bien,
ça se catégorise en fonction des patients qui viennent nous voir,
c'est-à-dire, qu'on a des patients qui ne sont que des joueurs de jeux
vidéo et c'est l'ensemble de nos patients à 85-90% et qui sont...
Alors, ils utilisent aussi d'autres objets numériques, ce sont des
jeunes donc forcément ils sont très connectés à tout un tas de choses,
mais le seul objet sur lequel ça pose problème, ils se dérégulent,
ils ont du mal à se contenir dans leurs usages, c'est souvent le
jeu vidéo. C'est pour ça qu'on parle souvent d'addiction aux jeux vidéo
qui fait partie des grandes addictions au numérique au sens large
ou des addictions à Internet parce que ce sont souvent des jeux qui sont
connectés par le biais de la plate-forme Internet. Mais,
tout ça se différencie et s'évalue aussi au niveau individuel.
Mais pour ce qui est des patients qui viennent en consultation depuis
une vingtai... allez! Une quinzaine d'années maintenant, vraiment les tout
premiers, il y a 20 ans mais une quinzaine d'années plus
régulièrement, ça va être souvent des usages de jeux en ligne. On a
fait beaucoup de pub sûrement à tort d'ailleurs, autour
des MMORPG qui sont un type particulier de jeux de rôle
en ligne massivement multijoueurs si je vous fais la traduction dans le
désordre! Mais, c'est plus ce que l'on voit, c'est-à-dire que ça
c'était vrai il y a quelques années, ce sont encore les articles qui sont publiés...
parce qu'encore une fois le processus scientifique,
les universitaires ici, savent bien à quel point c'est difficile
et long de publier un article, sont encore consacrés à ça mais en
clinique désormais, on voit des jeux plus brefs, beaucoup plus type LOL,
League of Legend, des MOBA, des choses comme ça... des jeux
qui vont être encore plus rapides et moins structurés en termes
d'investissement de l'individu vers l'avatar qu'il représente. Là, on
rentre sur une autre thématique mais ça bouge énormément et voilà...
ça bouge tellement qu'on a du mal à suivre aussi, il faut qu'on puisse
s'y intéresser.
Juste sur ce point, on aura dans la semaine consacrée aux
dealers du numérique, une intervention d'un concepteur de jeux vidéo qui
viendra justement nous expliquer un peu les ressorts derrière... qu'il
y a derrière la manière de faire des jeux qui peuvent être addictifs ou
pas, qu'est-ce qui va inciter les joueurs à participer?...
Pour eux, ils sont passionnants et ils ont bien raison! C'est leur boulot
de faire des jeux passionnants.
Sur comment
décrire les addictions d'un point de vue... d'un point
de vue sociologique, moi, je je dirai que l'addiction, le
terme d'addiction, c'est une sorte d'élément de langage,
qui vient assez spontanément dans la bouche
des interviewés. Donc c'est parce que c'est notamment un discours tout
fait, tout entendu, tout lu qui vient notamment de l'écoute de
la presse ou de la radio ou de la télévision, donc, c'est une sorte de
topoï, comme ça médiatique, que l'on va voilà, avoir sous
la main pour catégoriser rapidement et décrire rapidement
ces pratiques et et ces usages. ce que j'ai remarqué aussi, c'est que
l'addict, c'est souvent l'autre en fait. Et quand on creuse
on s'aperçoit que cette catégorie "addict" elle vient redécrire
en fait, une mauvaise interaction avec des
proches. Et donc souvent, lorsque l'autre est un peu trop
addict, c'est que finalement il est présent-absent, on a une
mauvaise qualité relationnelle avec lui et donc d'un point de vue
sociologique, voilà cette caractérisation en termes d'addiction,
c'est moins pour décrire voilà, une pratique qui nous fait souffrir ou
qui nous... sur laquelle on ne peut pas... qu'on ne peut pas
dominer, que de décrire justement une mauvaise qualité des interactions de
mauvaise qualité avec d'autres. ça, c'est une description de type
sociologique que j'ai pu... que j'ai pu observer. Donc, c'est le
fait d'être accaparé, d'être... de ne pas répondre aux
sollicitations, et donc, c'est cette formulation, on dit "il
passe sa journée sur Internet, c'est comme sa maîtresse,
c'est les jeunes aujourd'hui, il y a en quatre, ils sont quatre
et ils ont quatre téléphones mais c'est... ils sont tous ensemble mais
c'est quatre fois un! C'est-à-dire, cette métaphore de l'accaparement et
donc voilà! ça va décrire voilà, plutôt une mauvaise qualité
interactionnelle qu'un état psychologique, pathologique...
d'un point de vue sociologique.
Alors justement, quelles pourraient être les
particularités du coup de cette addiction? Et puis, est-ce qu'il s'agit d'un
objet, d'une addiction en soi ou est-ce qu'on pourrait considérer aussi que
ça peut être le symptôme d'une problématique autre? D'un mal-
être, d'une dépression, de quelque chose qui serait aillleurs et qui
pourrait expliquer cette addiction?
Oui, alors ça, c'est évident aussi...
c'est vrai que c'était pas le focus forcément de l'intervention
jusqu'à présent mais on peut y venir. Quand on parle
d'addiction, effectivement, pour nous médecins, déjà, c'est pas
effectivement, c'est pas dire addict, c'est pas la pub
dans les parfums! Mais, c'est un terme qui a été englobé dans le...
dans le socius actuel et dont on a du mal à
ressortir aussi les réels tenants médicaux ou psychiatriques de la
situation. Mais bon, globalement, quand on parle d'addiction, ça va être un
comportement dérégulé qui va générer une souffrance chez
un individu et dont il a perdu le contrôle de l'usage. Après, c'est
notre rôle et la mission du médecin dans ce
temps particulier de l'échange dans un cabinet médical avec un
patient que d'aller comprendre les tenants et les aboutissants
de cette problématique. Les aboutissants ou en tout cas, les
conséquences négatives font partie des critères diagnostiques d'une
certaine manière et bien sûr, de la raison de pourquoi en tant que
médecins, on essaye d'apporter de l'aide à ces patients et puis
il est extrêmement important d'aller comprendre justement, les tenants qui
sont présent. Les tenants individuels au premier chef parce
que c'est ce à quoi il est soumis mais, les tenants sociologiques que
vous décrivez très bien, les tenants de ces
modifications technologiques qui sont actuelles, sont bien évidemment
aussi des choses que l'on a en tête mais qui concernent tout un chacun.
On va pour le coup même si nous on s'y intéresse, c'est-à-dire
individuellement par culture, par connaissance, par envie de bien
comprendre les différentes facettes, on va plutôt se focaliser
effectivement sur les temps de clinique, de rencontre avec
ces patients là. Sur, qu'est-ce qui s'est passé dans son cursus de
vie pour qu'il en arrive à ça. Et puis là, ce qu'on constate et bien, c'est
qu'effectivement, comme dans tous les autres processus addictifs, il y a des
comorbidités addictives, c'est-à dire que souvent, le processus
addictif à parler à d'autres types de produits, à d'autres types de
de problématiques, et puis c'est connecté à des
comorbidités psychiatriques anxieuses, de troubles de
l'attachement, de troubles du développement, notamment infantile, de
troubles de l'interaction précoce avec les parents, enfin, de tout un
tas de... pas de symptômatologies mais
de causalités qui sont extrêmement nombreuses, qui sont bien
décrites dans la littérature. Pour les autres problématiques addictives
qu'ont été étudiées depuis des années, on va dire voire des siècles,
pour le coup, on peut le dire! Mais pour lesquels il s'agit de voir lesquels
sont réellement présentes et parlantes dans les problématiques
de jeux vidéo qui viennent en consultation.
Alors, justement,
dans quelle mesure, avec que l'évolution du numérique, des
comportements le fait que ça se soit comme ça développer très vite,
dans quelle mesure on ne peut pas imaginer que ce serait juste une
évolution de nos modes de vie et que finalement ça va être intégré
dans nos comportements sans que ça pose problème plus que ça, qu'est-ce
que vous pourriez dire à ce propos?
C'est ce qu'on a dit au départ.
C'est déjà le cas, c'est vécu aujourd'hui comme une
routine, une pratique assez trivialisée, banale, qui
fait partie intégrante de la vie quotidienne... donc il y a
cette banalisation qui est déjà... qui est déjà observable
du numérique, avec le dernier champ
d'innovations technologiques qui sont les objets connectés, ce qu'on
peut... ce qu'on peut dire, c'est qu'il y a une extension du numérique dans
le monde physique aujourd'hui, on parle aussi de digicals c'est-à-dire
de physical et digital. Google utilise le terme de web, de physical
Web, donc il y a de plus en plus aujourd'hui cette extension de la
connexion de l'intelligence du calcul sur des choses, des objets,
des animaux, c'est ce qu'on appelle le connected everything,
c'est-à-dire, le tout connecté qui va peut être là supposer
d'autres tactiques et d'autres modes de déconnexion
partielle parce que lorsque on peut être connecté tout le temps,
que tout peut être connecté, que n'importe quoi peut être connecté,
n'importe comment, n'importe où, et voilà, il y a cette idée qu'une
emprise généralisée qui peut se développer.
Et ce que j'observe déjà dans les usages des montres connectées, c'est que
ça va permettre de finalement, de développer des usages
interstitiels, c'est-à-dire, tous ces moments qui étaient des moments
sans parce que difficile d'amener un mobile sur un chantier
etc... peuvent être comblés par ce type
d'objets et donc, il y a vraiment cette problématique de la...
du faire partout, du faire tout le temps, qui va être de nouveau là
convoqué et à nouveaux frais parce que, quand il y a ...
parce qu'on observe qu'au travail, il y a des braconnages situationnels qui
sont mis en place lorsqu'on n'a pas le droit d'utiliser son mobile
mais on le regarde sous un journal, en dessous du guichet, rapidement,
on va aux toilettes répondre "OK", parce que on n'a pas le droit de
s'en servir mais il y a des urgences etc... et bien voilà, tous
ces braconnages qui existent pour justement
continuer à être connecté dans les cas où on ne peut pas l'être, et bien,
vont être renouvelés avec notamment tous ces objets
connectés mettables qui se développent. Donc voilà, avec
cette extension de la connection au monde physique, et bien il y a de
fait, cette banalisation qui va peut-être être de nouveau
questionnée, remodelée et donc de de nouveaux usages et forcément
de nouveaux attachements qui pourront conduire peut-être à des
pathologies également nouvelles.
Je pense que vous introduisez des choses
qui sont vraiment fondamentales, parce que pour le coup, il y a cette
notion effectivement d'évolution sociologique où la tolérance du vide
est impossible, importante et totalement impossible, c'est-à-dire
qu'on a tous besoin en tout cas, c'est pas tous! Pour moi, surtout
pour moi! Mais on a souvent besoin effectivement d'avoir une
activité à faire, d'avoir un lien à envoyer, d'être connecté à l'autre,
d'être attaché à un individu et la tolérance de ne rien faire ou de ne
pas faire quelque chose qui va être dans l'immédiateté ou dans
l'instantanéité est quasi insupportable. Et là, c'est une
modification sociologique qui et bien décrite (pardon)
par nos confrères et nos collègues sociologues, et qui fait que,
effectivement, justement, il y a des expressions problématiques qui vont
apparaître au moment de sevrage, au moment des arrêts et là, quand on ne
peut plus avoir une connection ou une utilisation de son outil auquel on
est tellement habitué puisque effectivement on est
justement dans cette banalisation comme vous disiez où c'est rentré
tout à fait dans l'air du temps et on est tous habitué à ça,
mais maintenant quand il y a une rupture par rapport à ça, ça pose
problème et ça créer des moments de tension, de frustration, qui peuvent
être à certains moments problématiques. Après, on peut être
rassuré aussi parce que vous avez bien vu la mode qui se fait
actuellement de proposer des hôtels, des séjours déconnectés, des phases de
sevrage mais pour des gens qui sont pas malades à la
base, mais où on se met à distance justement du numérique, de ces
outils de connexion tout le temps, en permanence, avec l'idée de se
remettre un petit peu au vert justement par rapport à toutes ces
sollicitations. Et là, il y a des mouvements justement de balancier
qui ne vont pas s'arrêter maintenant parce qu'à mon avis, on est
dans la phase la plus importante de cette déstabilisation, on est passé
à l'appétence de pouvoir être connecté tout le temps et où
il faut que chacun en fonction de son âge, ou en tout cas de sa
génération surtout, en fonction de ses capacités, de son parcours
individuel puisse retrouver des équilibres qui lui
conviennent. Mais clairement, à partir du moment où on est dans des outils qui sont
aussi importants et aussi utilisés et investis par les...
la société ou par les individus, si il y a sevrage, il peut y
avoir problématique. Et ce qui définit...alors là, je fais un petit
pas de côté vers les patients addict, pour le coup, sevrage aux jeux
vidéo quand les parents disent "là, tu peux pas" où quand je vais dire,
le directeur d'entreprise dit à son employé "maintenant c'est bien
gentil de faire tes parties ici mais tu les feras au chômage parce
que ça va pas le faire", là, effectivement, c'est généralement
à ces moments là qu'il y a des crises et une remise en cause
effectivement du processus qui avait souvent été insidieux. Vous savez que
dans le processus addictif, on parle de déni, c'est quelque chose
qui est quand même globalement bien connu et reconnu, avec le fait
que le patient tant qu'on ne le met pas dans une phase de crise par
rapport à une conséquence médicale importante, par rapport à une
conséquence relationnelle, sociologique importante, sociale (pardon) importante,
il ne va pas repérer le problème c'est: "oui je m'arrête quand je veux
Mais oui! T'as raison! Non! On ne s'arrête pas quand on veut ni de
l'alcool quand on est dépendant officiellement, biologiquement à
l'alcool, et psychologiquement à l'alcool, ni de l'ordinateur, si on a
effectivement engagé sans qu'on s'en rende réellement compte et qu'on
n'a pas tenu compte des signes d'alerte de l'entourage dans un
processus addictif.
Alors justement, que faire si on se sent en difficultés avec ses
usages du numérique, à qui s'adresser, comment peut se passer une prise
en charge dans le cadre de cette problématique là?
Alors effectivement,
quand il y a des processus problématiques qui sont
repérés, l'idée d'une prise en charge elle est assez évidente
à débuter. La question, c'est de savoir où et comment? Il est hors
de question que les services spécialisés voient tout le
monde, c'est absolument impossible en termes de nombre. Donc, il s'agit de
réussir à structurer une réponse soignante au sens large, au sens très
large, qui permettra d'accueillir justement les problématiques que
peuvent générer ces transformations dans les
utilisations du numérique. Du coup, la formation de médecin
généraliste pour parler du corps médical, mais aux psychologues
bien évidemment aussi, aux enseignants, l'éducatif est très
mobilisé, on reçoit beaucoup de demandes de la part des enseignants
qui nous demande de faire des conférences le soir parce que
ils ont énormément de récriminations de la part des parents
qui sont paniqués. Enfin voilà! on entend parler de ça de partout, donc il
faut vraiment réussir à développer une réponse très globale autour de
cette thématique là, avec de l'enseignement, de la formation, avec
le MOOC que l'on fait actuellement finalement c'est un peu
ce que l'on fait, et avec pour la partie très médicale, c'est-à-
dire des patients qui sont réellement en difficultés, la
structuration de réponse de soins qui vont être extrêmement étendus
dans leurs possibilités, dans leurs
potentialités soignantes, et avec l'idée globalement, qu'il y a un
moment ou un autre, rencontre avec un médecin ou un psycho, plus ou moins
spécialisés de cette thématique là, pour aller commencer à décortiquer qu'est-ce
qui a fait qu'il peut y avoir... En premier lieu, poser le diagnostic,
savoir si oui ou non il y a un problème, généralement comme ce sont
des ados, le problème n'est pas chez l'enfant, chez l'ado ou chez les
parents, on est entre les deux et c'est bien l'intérêt de l'adolescence! Et
d'aller justement, rentrer dans la compréhension de la
problématique, et une fois que la problématique est un peu comprise
en termes de diagnostic, aussi, on sait à quel niveau de gravité on est,
on sait les conséquences néfastes qu'il peut y avoir, aussi les
intérêts que ça a même au niveau individuel, même des patients les plus
addicts, si ils continuent, c'est bien que ça a un intérêt pour
eux aussi. Une fois qu'on a pesé ces différentes potentialités
là, ces différents phénomènes là, engager un processus de soins qui va
être soit du côté psychothérapeutique le plus souvent
individuel ou familial, mais on va dire que c'est pareil, soit
dans un champ de soins institutionnels plus lourds,
je parle d'hôpitaux de jour, je parle d'hospitalisation, de structures
médico-sociales, de travail socio familial quand c'est extrêmement
déstructuré, ce qui est quand même très souvent le cas, et de
travail chimio-thérapeutique si besoin notamment en cas de
comorbidités anxieuses ou dépressives.
Donc peut être, avant ce
stade, il y a donc la majorité des usages sont des
usages où on essaye justement de ne pas tomber malade, et c'est ça qui est
fatigant, prenant, et qui nous occupe en grande partie l'esprit
pendant qu'on pratique le numérique. Tout à l'heure,
je qualifiais justement la relation d'attachement comme une
relation qui est souvent jugée par les autres comme finalement
générant de la mauvaise qualité relationnelle, de mauvaises
interactions. Donc, avant peut - être de consulter, peut-être peut -on
entre parents-enfants, entre amis, se parler, et donc,
régler aussi le problème socialement parlant et pas forcément d'un point
de vue médical puisque il y a pas d'imposition de
normes sociales par la technologie elle-même mais ce sont des
usages qui sont un peu dans le trop, en effet, dans le trop faire partout,
trop faire tout le temps, qui sont ici jugés
problématiques et donc, la première réponse est justement de
rediscuter des normes, d'usages au sein d'un collectif,
d'une famille, d'une entreprise, de ces outils. Et dans
les familles par exemple ce qu'on voit souvent évidemment
intervenir comme type d'argumentaire, c'est empêcher
évidemment les enfants d'avoir le mobile sur la table
pendant les repas donc ça suppose en effet de renégocier ce qui se
fait, ce qu'on ne veut pas, ce qui est désirable, ce qui n'est pas désirable pour la
famille. Donc c'est une grande partie de la solution, elle est
dans l'interaction sociale, puisque ce sont des objets qui nous
servent à communiquer, on peut aussi communiquer autour d'eux pour savoir
comment s'en servir ensemble et rester ensemble malgré
tout, tout en utilisant et en pratiquant le numérique.
Donc moi, je ne cherche pas non plus à dramatiser les
usages d'emblée et de montrer qu'il y a des solutions qui sont tout
simplement aussi dans les usages... les usages sociaux
de ces outils.
Je me permets juste de confirmer très
largement ce que vous dites, je suis bien d'accord et moi non plus
je cherche pas à dramatiser. Après, notre corps de travail, c'est d'aller
dans des situations dramatiques donc on le signale. Par contre,
j'insiste très lourdement et je suis tout à fait
d'accord avec vous sur l'idée qu'il est hors de questions qu'on voit tout patient...
chez tout individu pardon, chez qui il peut y avoir un
usage qui pose un moment problème, question, justement dans le corps
social, sans le corps familial. Nous, notre propos, c'est de s'occuper de la
petite frange des quelques pourcents, maximum, qui ont des usages
pathologiques et déjà ces quelques pourcents, on sait déjà qu'on les verra pas
tous voire loin de là. Donc, on a largement assez de
patients, on cherche pas à recruter plus de patients dans nos
consultations, pas du tout! Mais par contre, il y a souvent une
dédramatisation qu'il faut éviter de faire et des banalisations dans
lesquelles il faut éviter tomber aussi. C'est-à-dire, que des fois, on
voit... enfin en tout cas les patients qui viennent en consultation, ça fait
un an et demi, deux ans, cinq ans, que ça dure et on n'a jamais trouvé
réponse et le corps soignant, le médecin généraliste, un psychologue
qu'on a rencontré, un psychiatre qu'on a rencontré vous a dit:
ne vous inquiétez pas, c'est pas grave." Vous discutez avec lui, ça va passer!
Mon oeil! ça passe pas! Quand ça devient grave et que ça dure
plusieurs mois, c'est sûr que c'est grave, quand ça dure plusieurs
années, il n'y a même pas besoin de se poser réellement la question!
Après je caricature un petit peu mais on est réellement dans l'idée
aussi qui a énormément de déni contaminant et de banalisation
autour de situations d'enfermement, soit physique au sein
d'une chambre ou d'un appartement de patients qui jouent, pour le coup,
qui sont en grande difficultés ou même d'isolement relationnel au sein
des collèges, au sein des lycées, de jeunes qui vont pas bien et pour
lesquels... comme on connaît pas réellement la thématique "addiction
numérique, jeux vidéo", machin... on aura du mal à les repérer comme tel
et du coup introduire le soin qui sera pourtant bien évidemment
nécessaire. Parce que bien évidemment que la première réponse est au sein
de la famille, au sein du corps de pairs, des groupes et de
faciliter cette socialisation. Mais si ça ne suffit pas, et il faut bien sûr
que ce soit la première ligne, le soin, tout... enfin, même pas le soin
tout-venant... la bienveillance tout venante du corps
social, si ça suffit pas, il faut absolument à mon avis rapidement
interroger un tiers, tiers qui va être soit, du coup, une figure
tierce du corps, du corps social: un directeur, un voisin, un
oncle, une tante, mais quelqu'un qui sorte un petit peu du milieu habituel ou si
on voit que ça commence quand même à poser plus de problèmes,
interroger un professionnel de la santé, mais encore une fois, le
médecin traitant, un psycho, le médecin scolaire, qui vous voulez!
Mais qui commence quand même à mettre le doigt sur le fait que
c'est pas si normal que ça et que ça va peut-être pas passer tout seul.
Donc là, on va pouvoir passer, merci beaucoup! On va pouvoir passer à des
questions qui ont été transmises via Twitter, CocoNotes, les
différents canaux de retour qu'on a et certains participants de la
salle. Il y a eu une... Donc, je peux peut-être commencer en disant
au-delà des questions, il y a eu des petites remarques en forme de
boutade qui demandent... une qui disait est-ce que le MOOC fait partie du
spectre de l'addiction au numérique? Le MOOC lui-même mais c'était une
boutade parce que... enfin,c'est vrai qu'on demande... et
notamment on a fait par exemple un défi cette semaine qui était "peut-on
se passer du numérique?" et on demandait en même temps aux personnes
de passer du temps sur l'ordinateur pour répondre à nos questions, ce qui était un
peu drôle! Il y en a une autre aussi... une autre boutade
autour, qui n'est plus tant dans le numérique mais dans la technologie,
autour de la notion de déroutiniser les habitudes numériques pour ne pas
tomber dans l'addiction, comment faire pour arrêter la
cigarette électronique? Qui n'est pas
un objet numérique en soi mais qui est un objet technologique,
qu'on branche sur un port USB, donc, on a quand même une passerelle vers
le numérique! Voilà! Mais sinon, en termes de questions, il y
a quelque chose autour des bienfaits du numérique, donc il y a une
question, c'est: l'usage massif de Twitter, par exemple, permet de
développer son réseau et de poser des questions, donc tout à l'heure Bruno
Rocher parlait des forums, des différents forums, par exemple, des
anorexiques ou des choses comme ça, qui apportent du bien parce que
ce sont des domaines d'échanges, ce sont des lieux d'échanges, on voyait
tout à l'heure que c'est important d'en parler. Donc,
c'est quand même... il y a quand même des grands bienfaits qui sont
apportés pas cet outil.
Tout à l'heure vous parliez de la
possibilité de passer des vacances comment dire, au vert,
déconnecté, mais il faut savoir que la moitié des Français ne part pas
en vacances et une grande partie de ceux qui partent pas en
vacances, ils vont aller traîner sur Internet pendant l'été et donc
on peut pas dire que c'est pas un usage qui est intéressant et
utile à ces moments-là donc, c'est vrai que
cette injonction un peu hygiéniste à la déconnexion, elle est parfois un peu
sociocentrée, c'est-à-dire, oui, quand on est bombardé de mails
toute une journée, qu'on a une vie intense professionnellement, oui, on a
peut-être parfois envie de se déconnecter mais quand on habite dans
des petits patelins et où y a pas beaucoup de loisirs et on est de fait,
un peu déconnecté du monde, et bien, se connecter à
ses passions, les cultiver, c'est très enrichissant.
Et donc, il faut aussi voilà, avoir aussi ce réflexe un peu
sociologique, de ne pas complètement abonder dans un
discours qui est parfois un peu voilà sociocentré sur des... émis par des
professions qui sont en effet extrêmement... extrêmement
connectées. Sans faire de misérabilisme non plus mais bon!
Je suis bien d'accord avec ça après, c'est aussi...
Je sais pas si ce sont réellement des vacances, même si
effectivement, ça peut être une distraction, mais, si on définit les
vacances, c'est pas mon boulot, mais de ce que ça m'évoque, c'est quand
même un moment effectivement plaisant, de repos, de retrouvailles,
de connections. Et si c'est pour se retrouver devant l'ensemble des
séries qu'on a téléchargé ou généralement, on ne télécharge pas mais de
fureter sur la télé ou sur Internet en permanence, je ne sais pas si on
peut réellement définir ça des vacances... Mais je suis bien d'accord
avec le fait qu'effectivement, tous les travaux qui vont être diffusés,
publiés etc... font généralement écho à des travaux qui sont publiés
par une frange de population qui a les capacités d'aller faire ces
choses là et généralement qui est plus à risques de tomber dans la
dépendance numérique aussi.
Alors, une autre question concernant nos
usages, qui nous dit "les enfants et les adolescents ont accès à un
grand nombre d'outils numériques, qu'ils peuvent investir et manier de
façon très approfondie. Alors, n'y aurait -il pas des Digital natives
par rapport à la génération des 35 ans et plus?
Alors ça, c'est
hyper intéressant! C'est ce que je voulais dire tout à l'heure que j'ai
pas eu le temps de développer. J'ai dit moi...j'ai laissé passer
l'idée que j'étais digital natives mais en fait, non je suis
digital adolescence! J'ai connu le numérique au moment de
mon adolescence. C'est peut être pas anodin dans mon évolution
professionnelle et dans les choix que j'ai pu faire après ou
qu'on m'a donné. Mais, effectivement, j'ai quand même
la capacité de penser comment le numérique a introduit ma vie, à quel
moment etc... donc je pense que je suis pas native, je suis un
peu trop vieux, plus de 35 ans, à peine! Mais en tout cas,
je l'ai vu apparaître. Pour les gens qui sont plus jeunes
effectivement, ils sont clairement nés avec cette technologie,
ou ils l'ont apprise directement.Je pense que ce qui pose énormément de
problèmes pathologiques en tout cas ce qu'on voit en consultation, c'est ça!
C'est le fossé générationnel, ce cap générationnel entre les
ados actuels, potentiels patients, je fais une digression pour ne pas
oublier ça tout à l'heure, les patients que l'on voit en consultation, c'est
rarement que des ados! La moyenne d'âge, elle est à 25 ans. La moyenne d'âge des
patients qui consultent, ce sont des vieux ados, qui sont bloqués dans
l'adolescence parce que il y a un processus pathologique qui s'est
passé. Voila, petite parenthèse refermée. Le problème qu'il y a
en consultation, c'est qu'effectivement, on va avoir des
potentiels patients digital natives avec des potentiels parents,
enfin des vrais parents quand ils sont là, ce qui n'est pas toujours le
cas, des fois, c'est compliqué.. mais des parents qui sont digital ignorantes
et qui ne veulent pas y aller et qui sont dramatisant autour de la
question du digital ou des jeux vidéo, et avec du coup, une
impossibilité de se connecter et de se comprendre, qui rejoue les
questions de l'adolescence, ça sert à ça aussi l'adolescence, à se séparer aussi de ses
parents. Mais là, ça prend tellement de teneur et de place du fait de
ce changement sociétal qui est l'introduction du numérique et du
jeu vidéo, que ça vient cristalliser des tensions qui sont extrêmement
importantes, qui rejouent des tensions et des traumatismes
sous-jacents le plus souvent, mais qui majore encore la crise et
l'incapacité de se comprendre entre patients, ados, jeunes,
en tout cas enfants, et les parents.
Cette question des âges,
est extrêmement importante et elle joue, moi je l'observe plutôt
du côté des représentations. Il y a une échelle des âges imaginaires
lorsqu'on va décrire ses usages et sa pratique, qui est
souvent en fait, évoquée par par les personnes que
j'interroge. Et c'est en fonction de cette échelle des âges
imaginaires avec le jeune qui est censé être justement la
norme, il y a une norme générationnelle, le numérique c'est que des
jeunes et donc, les jeunes ce sont les compétents par défaut, et sur
cette échelle des âges imaginaires, donc on va se situer et on peut être
justement soi même jeune mais se sentir un petit vieux, par rapport à
justement cette représentation sociale du numérique comme étant
justement, relevant d'une catégorie de pratique juvénile.
Et donc ça, il y a réciproquement un effet lifting,
c'est-à-dire quand on est dans les processus de rétro apprentissage,
une grand mère se met à tchater ou à skyper avec ses
petits enfants, il y a un effet de rajeunissement, on se sent à la
page et donc on se sent justement plus proches de
cet étalon juvénile, de cette norme générationnelle du
numérique. Et ça donc, ça, c'est un bon exemple de l'effet des
représentations sur les pratiques et la façon dont on
va se décrire, de façon en effet, très symboliquement, comme un
petit vieux même quand on est jeune du point de vue numérique. Donc,
c'est pour dire qu'il y a pas de naturalité au caractère
juvénile du numérique, le digital native, si il peut être, ça peut
être un vieux monsieur qui télécharge énormément parce qu'il se
sent très très jeune, parce qu'il pratique justement le
téléchargement qui est codé en effet comme étant socialement, relevant
des jeunes, des pratiques culturelles des jeunes. Donc ça, c'est...
c'est ce qu'il faut aussi mettre en avant. Cette
dimension un peu imaginaire, imaginaire de l'âge du numérique, est
extrêmement prégnante et a des effets sur les pratiques et les
discours.
Sur cette thématique là, enfin pardon! je peux?
Il y avait une question intéressante et qui relève un peu de la même
thématique mais plus à ce niveau individuel mais plutôt au niveau
social, qui demandait si les normes d'aujourd'hui, trop d'usage,
trop connecté etc... est-ce qu'elles seront celles de demain, parce
que déjà, l'addiction au numérique des années 90, c'était pas du tout ce
qu'on a maintenant enfin donc, la société elle-même évolue donc, les
individus se positionnent par rapport à ça mais, est-ce qu'on peut
avoir un regard aussi sur...
Ah mais je pense! Je n'en ai aucune idée
de ce que ça va devenir, je suis pas ni voyant et puis
encore moins sociologue, je ne sais pas ce que ça va
devenir. Par contre, c'est sûr qu'on est dans des transformations qui sont
actuellement importantes et l'idée, c'est de réussir à se trouver
à l'aise et de retrouver des modes de pratiques familiales, sociétales etc,
autour de ces transformations que les objets amènent.
Le commentaire que je voulais faire rejoint cette question là
et ce que vous disiez, à savoir qu'effectivement les
les âges, alors l'effet lifting, j'ai trouvé ça plutôt sympathique!
Et ça me rappelait une métaphore qu'utilisait, il me
semble, Michael Stora mais je suis pas sûr, mais en tout cas
Michael Stora, est un psychologue qui a beaucoup publié sur ces questions
là, enfin qui a écrit pas mal de bouquins de réflexion et il
parlait du syndrome du bambou, alors je pense que c'est lui qui a
introduit cette idée là, à savoir, que les digital natives, comme les
bambous, poussent plus vite, c'est-à dire, qu'ils connaissent plus vite la
technologie, ils se l'approprient bien plus facilement, ils sont plus à
l'aise avec cette notion là, et du coup, ils vont aller plus vite que
leurs parents, et cette inversion générationnelle de connaissance, de
génère l'apprentissage, entre l'enfant qui donne à ses parents ou
le parent qui donne à ses parents, le fait que ça s'inverse, notamment
autour de cet objet là, concentre et cristallise là aussi des
tensions et des difficultés qui bouleversent individuellement mais
aussi au niveau sociétal.
Alors, une autre question, donc la
personne nous dit "je ressens un discours essentiellement sur les
usages intenses par les consommateurs du numérique, quid de celles et ceux
qui sont producteurs, c'est-à-dire, de selfies, de vidéos, de commentaires,
devenant une sorte d'obligation à s'afficher, à se montrer, à
entrer en compétition." Donc la personne donne l'exempte des chaînes
perso sur You Tube par exemple.
C'est vrai que c'est, avec
les... c'est une question voilà, qui pose...
qui ouvre à la problématique des... ce qu'on appelle
justement les normes sociales, donc, ça supposerait
évidemment de développer tout un ensemble de
réflexions sur la question de l'individu, de l'individualisme,
aujourd'hui, pourquoi est- ce que justement être un être
singulier, qui peut s'exprimer, produire des contenus...
des contenus qui sont vus, qui sont reçus, qui sont populaires, et bien
pourquoi, est-ce aujourd'hui une norme sociale, pourquoi est ce
un horizon désirable que d'être populaire chez les plus
jeunes, voilà. Donc ça, ça ouvre un champ de questionnement
sociologiques extrêmement importants. On peut avoir
des explications de type sociétal en disant que à partir
du moment où, en effet, où, les grandes institutions qui ont
été pourvoyeuses d'identité toute faite, que l'on pouvait reproduire
naturellement comme la famille, la nation, se trouve mise en crise,
et bien, c'est peut être à l'individu de trouver lui-même ses propres...
sa propre identité et donc ce travail d'invention de soi, il va passer,
il va utiliser évidemment les moyens d'expression qui sont
les nôtres aujourd'hui. Donc il y a une sorte de rencontre
entre un horizon sociétal où il y a finalement une crise des
identités collectives et qui va rencontrer les outils
numériques du moment. Donc ça va convoquer toutes ces
problématiques autour de la place, enfin autour duquel... du
questionnement autour de l'individu et des outils à
disposition qu'il a pour s'exprimer, pour s'inventer comme un être
singulier, reconnaissable et reconnu dans un monde où les
normes collectives d'identité sociale se trouvent. En tout cas,
les institutions qui pourvoyaient naturellement, sans réflexivité se
trouvent mises en crise donc voilà il y à mon avis, toute cette problématique
qui est convoquée par cette question. Mais c'est vrai qu'on
observe chez les plus jeunes que, et bien, être populaire, voir
ses contenus, et bien aimé, liker, être vu, ça constitue en effet
un horizon désirable, ça fait partie, en effet, de son individuation,
et de sa socialisation. Donc, on est à un moment où la vie
privée devient une matière à filmer, une matière à s'exprimer...
Il y a une sorte de théâtralisation en effet, de la vie privée à
travers ces outils, par exemple, je pense à la fonctionnalité Story
sur Snapchat où pendant toute une journée vous avez pu
finalement vous mettre en scène au quotidien. Donc, c'est vrai qu'il y
en ce moment, on va dire, il y a tout un usage d'auto-filmage
extrêmement abondant chez les plus jeunes, avec cette quête de
visionnement, de popularité, qui est un horizon désirable chez
beaucoup. ça fait partie des normes sociales, en effet, du
moment, dans un contexte sociétal un peu particulier qui donne à
l'individu finalement l'injonction de se trouver
lui-même en tant qu'individu.
un contexte sociétal et un contexte technologique
aussi parce qu'on est dans les technologies. La semaine prochaine, on abordera les
technologies réflexives, le quantified self, ces choses là aussi
qui incitent encore plus l'individu à se retrouver à travers ces outils.
Un type d'addiction nouveau à la data qu'on voit monter également, ceux qui sont
accros à leur nombre de pas comptés...
Peut-être un tout petit commentaire!
Effectivement l'addiction à la data, effectivement dans le langage
populaire certainement, en termes de consultation, je crois pas. Parce que
ce que je veux signaler par rapport à ça, non c'est vraiment
important, parce que c'est souvent une question qui revient, est-ce
qu'on peut être addict à Candy Crush, oui au sens populaire, au sens
clinique, non. Au sens clinique, ce sont des gens qui restent à aller au boulot,
à aller dans leur corps social, à être en famille etc... ça va
créer des zones de tension, mais ça ne va jamais avoir un impact
suffisamment puissant pour vraiment grever le pronostic fonctionnel de
l'individu ou faire suffisamment de souffrance sauf dans des cas
exceptionnels probablement! Mais vraiment non! Parce que c'est
pas le genre de jeu qui génère vraiment d'addiction au sens médical
du terme et j'insiste vraiment sur cette notion là!
Donc il y a encore
des questions sur Twitter qu'on va traiter dans un bonus, qui sera
enregistré mais pas diffusé en direct on va arrêter la diffusion en direct ici,
et je vais laisser le mot de la fin à Didier.
Oui, bref mot de la fin! Pour
remercier nos invités Laurence Allard, Bruno Rocher,
de nous avoir apporté leurs perspectives sur
ces questions. On est obligé de s'arrêter avec l'heure, mais oui,
il y aura des vidéos bonus qui vont aller
un peu plus loin. Nous travaillons aussi à la possibilité de
retranscrire tous ces webinaires en format texte et on va
ouvrir une ligne sans doute sur FUN bientôt là dessus. Et
vous recevrez aussi par email ce week-end une proposition pour
participer à une étude qui se déroule en parallèle au MOOC
et dont certains thèmes recoupent nos discussions
aujourd'hui. C'est une étude qui n'est que facultative. La semaine 2
dure jusqu'à mardi matin donc il y a tout le week-end pour
pouvoir échanger ainsi que lundi, et, mardi matin, vous aurez
une synthèse des échanges de cette semaine et nous
continuerons avec la semaine 3, consacrée à l'homme numérique
particulièrement aux objets connectés, à la technologie
réflexive avec Yannick Prié et Jean Luc Vénisse qui seront les
deux animateurs de cette semaine là. Voilà, bonne journée!