La fabrique de l'addiction par Matt Stone et Trey Parker
Dans la saison 18 de leur série South Park, Matt Stone et Trey Parker ont fait un épisode (l'épisode 6) spécialement sur le sujet de la fabrique de l'addiction aux jeux « Freemium », ces jeux gratuits que l'on trouve sur tablette ou smartphone. L'épisode porte sur l'addiction, en expliquant aussi le point de vue des personnes en situation d'addiction, mais je ne parlerais que du modèle de fabrique de l'addiction qu'ils développent.
Juste pour noter que travaillant dans l'industrie du divertissement, y compris du jeu video depuis presque 20 ans, leur point de vue mérite à mon avis d'être écouté.
Voilà ce que je retire de l'épisode et que je transcris en mots à partir des images.
Les jeux gratuits en ligne sont en rupture avec les jeux video traditionnels car pour ces derniers, il fallait payer avant de s'amuser alors que là un contenu gratuit est accessible directement. Mais les jeux freemium reposent sur le principe de jeu des RPG, et consistent ainsi en l'exploration d'un univers, la collecte de ressources ou monnaie dans cet univers, la dépense des items collectés qui permet l'amélioration du personnage, du matériel ou des capacités.
Le succès de ces jeux reposent sur 5 principes. Le jeu doit être simple dans son fonctionnement. Il doit offrir beaucoup de compliments au joueur, pour que celui-ci se sente valoriser dans son expérience de jeu. Le jeu doit entraîner le joueur à dépenser de la fausse monnaie, la monnaie du jeu. Il doit donner la possibilité d'échanger de la fausse monnaie contre du vrai argent, comme ça le joueur oublie que ce qu'il dépense en dépensant la fausse monnaie, c'est du vrai argent. Et ainsi de suite dans une boucle presque infinie.
Les créateurs du jeu doivent en faire un jeu d'attente, mais le joueur a la possibilité de ne pas attendre en payant.
En somme, le jeu doit être à peine amusant, car s'il était vraiment amusant, le joueur n'aurait pas de raisons de payer.
Voilà ce qui est décrit dans la première phase de l'épisode. Dans la seconde phase, Matt Stone et Trey Parker vont plus loin.
En réalité, le pourcentage de personnes qui téléchargent le jeu (ce qui est gratuit) et qui vont ensuite dépenser de l'argent, est très très faible. L'enjeu pour faire de l'argent est donc de trouver les joueurs avec l'usage le plus intensif (donc les personnes en situation d'addiction) et d'en extraire le maximum d'argent. Ce qui amène des joueurs à dépenser 200 euros pour un jeu qui vaut à peine 50 centimes. Ainsi, tous les profits viennent des gens qui ont un usage problématique.
Pour comparaison, 80 % des ventes d'alcool sont payées par des personnes présentant une dépendance à l'alcool, mais dans les « freemium game », le pourcentage de consommateur qui contribue au profit est encore plus restreint.
Au fond, les créateurs de ces jeux en ligne soi disant gratuits, tout comme les compagnies qui vendent de l'alcool, ne s'inquiètent pas du fait que 10 % des consommateurs vont tomber dans une certaine forme de dépendance, au contraire, ils espèrent et comptent sur le fait que des personnes vont tomber dans la consommation jusqu'à l'excès et l'addiction, car leurs bénéfices viennent de ces consommateurs.
Ils utilisent ainsi certains mécanismes rappelant le conditionnement Skinnerien, en envoyant des rappels aux joueurs afin de redéclencher le comportement de jeu, ou encore le ffait de donner les premières doses de jeu gratuitement, ce qui nous renvoei cette fois au comportement des dealers de drogues dites « dures ».
La différence entre les vendeurs d'alcool et les vendeurs de jeu en ligne tient à la technologie elle même qui permet de suivre le mode de jeu et de dépense du joueur, ses comportements, afin de s'en servir pour l'inciter à dépenser plus.
Voilà en gros les idées avancées dans cet épisode, que je vous invite à aller voir car il parle d'autres choses en rapport avec l'addiction (vous pouvez par contre arrêter deux minutes avant la fin, qui n'a plus d'intérêt par rapport à notre sujet).
Je vous invite à partager vos avis par rapport à ce modèle d'explication, que vous soyez d'accord ou pas d'accord du tout, notamment si vous jouez à ces jeux et que vous ne retrouvez pas votre expérience du jeu dans cette explication.
Guillaume