— Alors quelques questions bonus des participants. Alors on a parlé
un petit peu de ces initiatives citoyennes un peu incroyables
qu'on pu émerger à grâce aux outils du numérique. Dans les
révolutions arabes, les opposants politiques etc.
Alors est-ce que c'est généralisable est-ce qu'on peut imaginer
que ce type d'initiative va pouvoir se développer dans les
prochaines années? Et puis, on en a un peu parlé mais on peut peut
être en discuter, est-ce que ça aurait été possible dans un cadre
régulé par les États? Est-ce que ces initiatives là auraient pu se
développer? Donc quel avenir pour l'Internet? A ce niveau là, au niveau
politique, au niveau citoyen.
: Alors encore une fois je
répondrais que c'est pas des initiatives,
que Internet ne fait pas des initiatives qui sont remarquables
en elles-mêmes, enfin ne permet pas, c'est des contextes particuliers
à chaque fois, et qui sont toujours en... Mais
c'est sûr qu'on pourrait difficilement voit émerger ce type
de changement, de révolution avec une régulation
étatique qui serait importante. Un exemple de ce
type d'initiative que j'ai pu observer avec des étudiants
avec qui on avait travaillé sur le site Copwatch, je ne sais pas si vous
en avez entendu parler, c'est un site qui
constitue des bases de données, et qui diffusent des vidéos de policiers
en activité. Et en fait c'est vraiment le principe de qui
surveille les gardiens, "who watches the watchmen". Et on a
effectivement des formes aussi de prise de contrôle ou de surveillance
par des citoyens, qu'on peut considérer comme des formes
citoyennes, en fait c'est un peu compliqué, et qui paraissent
importantes. Effectivement on pourrait se dire que dans ce cas là,
si l'État régulait les informations disponibles sur
le net on pourrait pas voir émerger ce genre de choses.
En tout cas ne pas en discuter, ne pas en débattre. Je pense que c'est
encore ça qui est important, c'est le numérique permet
un certain nombre de débats.
: C'est peut être une question
de réglage de curseur. Où est-ce qu'on met le curseur entre le
la liberté d'expression, la liberté de pouvoir communiquer sa
pensée, d'échanger, de faire des initiatives collectives, et
puis la responsabilité publique et la
responsabilité civile. Donc il y a un moment donné, il
faut maintenir des espaces de liberté, mais la vraie liberté
c'est quand même celle aussi qui accepte les règles.
Il y a pas de liberté sans règle. Donc accepter un cadre
de régulation républicain, et à l'intérieur de ce cadre de
régulation républicain, avoir une liberté
d'expression. Des pensées contraires peuvent s'exprimer en
toute liberté, et si elles dépassent, en termes de contenu,
des règles républicaines, qui sont, par exemple l'appel au meurtre,
le racisme, des choses qui sont des valeurs qui sont
constitutives de la République, qui devrait être constitutives
de la République, et bien à ce moment là on tombe sous la sanction de la loi.
Donc il y a pas contre-indication entre liberté etrègle. Au contraire,
quand tout est libre, totalement libre, on aboutit
à des systèmes qui sont extrêmement dangereux, paranoïaques
souvent. Après l'être humain il crée
ses propres règles et ce sont à ce moment des règles paranoïaques qui
sont liberticides. Donc vivre la liberté c'est accepter
des règles. Alors les révolutions qui se sont passées
au Moyen Orient etc, c'est des espaces
de liberté qui ont été mis contre des
régimes qui étaient totalitaire. Mais dans le cas
de la République on n'est pas dans cette situation là. On ne peut pas
tout mélanger et dire que tous les Etats sont sont similaires par
rapport à la question de la liberté et de la Démocratie, c'est pas vrai.
: Une autre question sur la la culture et qui
rejoint du coup un peu cette problématique transnationale,
parce que effectivement ça dépasse le cadre des Nations donc ça dépasse
le cadre des régimes politiques. Il y a plein de régimes politiques donc dans
quelle mesure Internet pourrait apporter une certaine forme
d'homogénéisation des formes, et notamment des formes assistées de
l'humanité. Donc quand on parlait de trans-humanisme, est-ce qu'il pourrait y
avoir une standardisation culturelle, et une standardisation des
esprits? Un peu comme la liberté d'expression
est consubstantielle du développement d'Internet, parce que
c'est originaire des États-Unis et les États-Unis ont leur premier
amendement qui défend la liberté de parole. Donc quel
genre de standardisation culturelle on voit apparaître et dans quelle
mesure c'est...?
C'est pas sûr qu'il y ait une standardisation culturelle
totalement homogène sur l'ensemble du globe.
Les cultures sont extraordinairement résistantes.
Vous avez est effectivement des secteurs de culture
qui se standardisent, tout le monde va utiliser un système
d'exploitation qu'est le même, un moteur de recherche qui est le même.
Mais à l'intérieur de ces contenus vous conservez des
spécifications culturelles très très fortes. Que ce soit les, aujourd'hui on
n'assiste pas à une hégémonie complète des idéaux
américain sur la totalité du globe, c'est pas vrai.
Le monde arabe les refuse, la Chine les refuse, le monde orthodoxe
avec la Russie les refuse. Qu'il y ait des conflits
entre ces, des tentatives hégémoniques c'est vrai,
mais je constate plutôt que les cultures sont
extraordinairement résistantes, et que dans la notion
d'identité, le sentiment d'appartenance, la
différenciation culturelle continue à exister très très
fortement. Alors c'est vrai que c'est plus en termes de contenu que
dans les formes, dans les contenants. Les contenants
d'une certaine façon il s’homogénéisent.
Que les contenants se répercutent sur les contenus d'une certaine façon
c'est vrai aussi. Mais les cultures résistent.
: Je, effectivement sur ce point je reviendrais sur
l'idée que ce qui me semble que met en avant le
numérique et notamment Internet et les formats sur lesquels il s'appuie
de connaissance qui sont des bases de données, c'est plutôt des
éléments et des outils et des supports qui
font apparaître une énorme diversité et beaucoup de
de micro cultures locales en fait. Alors effectivement quand je
joue à World Of Warcraft, a priori si je suis à Paris
ou si je suis à Pékin, Azaroth est le même, les villes sont les mêmes en
pleine marée la même et cetera, mais ma façon à moi d'échanger
avec mes amis en jeu, notre forum de guilde,
tous ces éléments vont être très différents, et ce que
disent les concepteurs de jeux là dessus c'est aussi pour ça que ces
jeux qui sont basés sur des, enfin qui sont fondés sur des bases
de données, c'est que c'est les systèmes qui permettent de mieux de
répondre à l'hétérogénéité des des situations d'usage pour les
joueurs. Et ça ça vaut pour les jeux video mais ça vaut
aussi pour énormément d'outils en en ligne. On va à la
fois, comme je disais tout à l'heure, correspondre de manière
globale, et en même temps développer des usages
et des expositions très locales. En ce moment je travaille sur un forum
donc une base de données de tricot, et effectivement on voit que
à la fois il y a une homogénéisation effectivement
puisque les tricoteuses en ligne aujourd'hui sur internet parlent,
tricotent en anglais, par exemple, elles utilisent plutôt des techniques
américaines, et en même temps elles publient des réalisations qu'elles ont faites et
donc il y a un tout un ensemble d'accès à, les
interprétations, aux interprétations locales
des femmes qui tricotent, parce que je peux voir l'interprétation qu'a fait
telle personne de tel modèle à tel endroit. Donc il y a la foi une
standardisation et un accès à des spécificités très
locales et des usages très spécifiques des outils.
: Une petite dernière question. La question elle-même c'était au delà de
le souhaiter est-il vraiment possible de penser le web sans le
web? Et moi j'aimerais bien en fait retourner cette chose là, c'est
dans quelle mesure penser le numérique avec le
numérique, donc avec les outils numériques et ce que ça implique.
Donc le big Data, le traitement statistique, la fluidification,
les échanges via internet. Dans quelle mesure ça impacte
notre pensée et notre manière de pouvoir penser le numérique?
: Effectivement ça transforme les modes de connaissance et
le rapport au monde en général, donc on va avoir tendance à parler
de réseaux, à penser de façon relationnelle des
éléments, parce que justement on est dans, à parler de communauté,
par exemple c'est un terme qui a refait surface
avec les premiers penseurs de, enfin à l'époque on
disait pas du numérique, Rennes, les communautés virtuelles etc.
Donc c'est des choses qui c'est vrai, imperceptiblement, vont peut-être
structurer notre façon d'aborder ces
problématiques là. Ce serait difficile de
s'extraire de son temps pour observer un objet de son temps
effectivement. Mais on peut essayer d'être critique vis-à-vis de ça.
: Le virtuel c'est une praxis donc on peut comprendre le
numérique que si on en a une pratique sinon on est en
dehors et c'est un objet qui reste opaque. Donc il faut
effectivement pour pouvoir théoriser le Web, il faut être capable de
l'utiliser et de s'immerger pleinement dans une utilisation du
numérique. Mais en même tempspour pouvoir comprendre le Web
il faut aussi utiliser les ressources de l'histoire de la
pensée. C'est-à-dire qu'on est pas devant une situation
où tout le capital de la pensée humaine sur l'évolution
des systèmes sémiotiques, la question de la représentation, l'histoire de la
pensée serait comme ça balayée d'un seul coup et qu'on se
retrouverait avec une pensée vierge devant un objet qu'on devrait
conceptualiser. Donc utiliser les ressources de l'histoire des
idées, de l'histoire de la pensée humaine, histoire de la
philosophie, c'est ce qui nous permet de comprendre
aussi le web. Il y a beaucoup de problématiques du Web
qui sont des problématiques qui sont assez semblables à celles qui existaeint
au Moyen Age avec la querelle des universaux.
Donc avoir la capacité de faire retour sur l'histoire des idées pour
comprendre l'actuel c'est à mon avis, et le futur du Web, c'est à mon avis une
nécessité. Oui pour comprendre le Web il faut utiliser le Web, il faut aussi
s'en sortir et utiliser l'histoire des idées.
: Je vais peut-être en profiter.
Je trouve que ça fait une belle conclusion parce que ça ouvre
éventuellement une porte vers, ce MOOC pourrait justement mettre à
contribution des historiens, des historiens des idées, des philosophes
pour de futures éditions encore plus enrichissantes autour
du numérique. Donc merci pour ce derniers webinaire. Merci d'avoir
participé, merci avoir assisté et, à tantôt comme disent les Belges, non les
Québécois.