La semaine 3 du MOOC @ddict? avait pour objectif de réfléchir sur ce que pourraient être les pratiques à risque du futur, notamment addictives, en lien avec une technologisation toujours plus poussée de nos corps et de nos activités, en particulier autour du « soi quantifié » et des objets connectés.
La participation dans cette partie a été moindre que pour les semaines précédentes, au moins lors des premiers jours, peut-être parce que le travail demandé était un peu plus difficile. Les contributions sont cependant de grandes qualité avec plusieurs témoignages passionnants sur ce que le numérique a changé pour certains au niveau des différents piliers de la vie cognitive que nous avions choisi de considérer.
Le “nuage de mots” portait sur le “soi connecté”. Les termes associés aux “réseaux sociaux” sont mis en évidence, ce qui traduit le fait qu’au delà de la relation à l’outil, la machine, la relation aux autres est centrale. A travers le mot “avatar” c’est la manière d’être présent dans ces relations qui est interrogée.
La première phase de la semaine comprenait quatre petits exercices qui visaient à repérer dans le quotidien de chacun des moments où l’on fait l’expérience de nos capacités d'attention, de la perception de notre corps, du temps, de notre identité et de nos relations au autres. Plusieurs témoignages élaborés ont été apportés. Sur cette base la deuxième phase de la semaine visait à déterminer l’impact du numérique sur l’attention, la perception du temps, de son corps, de son identité et de ses relations aux autres.
On remarque tout d’abord une difficulté générale pour ceux qui baignent dans le numérique depuis longtemps, une certaine difficulté à se souvenir d’avant le numérique, ou à différencier ce qui résulterait d’une évolution “normale” (par exemple le passage de l’adolescence à l’âge adulte) d’une évolution liée au numérique.
Pour ce qui concerne l’attention, plusieurs participants considèrent que leurs capacités d’attention augmentent sur une courte durée (focalisation sur l’objet numérique), mais diminuent sur une durée plus longue (difficulté à lire un livre par exemple). Le numérique et le web en particulier introduisent aussi une possibilité accrue de zapping attentionnel (saut d’une distraction à l’autre). L’attention au monde extérieur peut être aussi touchée, que ce soit par exemple à la route si on utilise un GPS, ou aux autres si on est immergé dans un monde virtuel. De façon générale, il semble que la multiplication des types de supports (de lecture, jeu, etc.) entraîne une multiplication des types d’attention, ce qui peut être considéré comme positif, mais peut conduire à des problèmes , si par exemple on n’arrive pas à se concentrer suffisamment pour lire à l’écran. Une dernière remarque porte sur une étude récente qui semble montrer que les jeux vidéo pourraient améliorer l’attention visuelle sélective.
La prise en compte du corps, de ses besoins et ressentis n’apparaît pas trop touchée par le numérique. Le sommeil peut pâtir de l’utilisation d’écrans, et le corps peut se trouver “scotché” devant l’écran, l’immersion empêchant d’écouter celui-ci. Plusieurs participants remarquent également une baisse de leur activité physique. De façon générale, les outils de soi quantifié qui permettent d’écouter son corps différemment ne sont pas encore très utilisés.
Pour ce qui concerne le rapport au temps, nombreux sont les participants à évoquer un changement dans l’espace-temps, notamment dans l’utilisation des conversations à distance, ainsi qu’une accélération du temps social : un événement du matin peut avoir été suffisamment commenté pour apparaître distant en fin d’après-midi ! Certains soulignent l’oubli du temps du fait des multiples sollicitations : une activité n’est jamais finie, que ce soit une navigation sur le web (zapping) ou un jeu vidéo. Si certains semblent à même de maîtriser leur journée en imposant leur temps personnel à l’activité numérique, il arrive également que les temps vides soient investis par l’intermédiaire du smartphone. Une dernière remarque porte sur l’amélioration des outils numériques qui permet de perdre moins de temps maintenant qu’il y a quelques années, par exemple pour une recherche d’information.
Côté identité et rapport aux autres, la multiplication des identités virtuelles a été soulignée, et est considérée comme généralement positive pour la construction de soi. Le numérique facilite également la relation aux autres, introduisant de nouveaux modes de relations. Comme pour l’attention, une plus grande richesse de possibilités de relations semble ainsi être apportée par le numérique.
Au total, on constate que certains n’ont pas vraiment vécu de changement, et se sentent continuer à être eux-mêmes avec juste un outil en plus, tandis que d’autres ont vécus des changements majeurs au niveau attentionnel, relationnel, ou identitaire. Tout le monde semble à peu près bien vivre les changements apportés par le numérique.
La troisième phase de la semaine portait sur le “soi quantifié” et les technologies réflexives. Il apparaît que peu des participants qui ont répondu connaissaient ou avaient essayé de telles technologies. Le cahier CNIL est apparu comme éclairant à beaucoup, et tous ont bien compris l’intérêt de la santé personnalisée et des données épidémiologiques massives concernant les maladies, désormais utilisables pour le suivi individuel de chaque patient. Au-delà de la santé, un certain nombre d’objets et de services connectés peuvent apparaître comme des gadgets.
De façon générale, pour ce qui concerne les nouvelles pratiques à risque et addictions liées aux soi quantifié, les participants qui se sont exprimés ne considèrent pas que de nouvelles addictions puissent naître. Cependant des inquiétudes se sont manifestées en lien avec certains terrains à risque, par exemple dans les cas d’hypochondrie, avec les risques d’accroche (éventuellement morbides) aux auto-mesures répétées, ou encore ceux de tendances exhibitionnistes, ou de volonté de contrôle de soi et des autres. Cela ouvre sur une nécessaire éducation à l’utilisation de ces outils.
La question de la mesure et de la comparaison à une référence est également évoquée, avec des éléments positifs liés à l’apprentissage individuel et collectif, mais aussi de risque : formatage général et vision technicienne du monde, contrôle par les assurances et les états, “meilleur des monde” ou totalitarisme orwellien.
Les enjeux de la philosophie transhumaniste, souvent associée au développement des objets connectés et de l’ ”augmentation” du corps humain, ont été illustrés par différents participants de façon originale et pertinente : bande dessinée, jeux vidéo ou films de science fiction montrent que la vision transhumaniste ne cesse d’interroger.
Le défi de la semaine portait sur une journée totalement connectée. Quatre histoires de science fiction ont été proposées, à des échéances temporelles variées ; bravo à leurs auteurs !
Le webinaire du vendredi a permis d’écouter les interventions de Bea Arruabarrena et Alain Giffard, autour de multiples sujets liés à la thématique de la semaine, que ce soit l’attention en régime numérique, le soi quantifié, ou encore le transhumanisme. Pour ceux qui ne l’auraient pas fait, nous vous renvoyons vers les enregistrements disponibles sur la plateforme FUN, en versions “vidéo simple” et “vidéo annotable” (pour prendre vos propres notes temporalisées et partager celles que vous désirez).
En conclusion, nous remercions l’ensemble des participants, ceux qui ont posté sur les forums, mais également ceux qui se sont contentés de consulter les ressources et les messages. Nous vous rappelons que certaines des activités proposées gagnent à être réalisées à plusieurs. Nous vous incitons pour les semaines qui suivent à ne pas hésiter à demander de l’aide, par exemple en postant un message avec l’adresse d’un document partagé à compléter par qui veut.
La semaine 3 sur le “soi connecté” reste ouverte, et les discussions peuvent bien entendu continuer !
26 janvier 2015